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Châtel-St-Denis

Châtel-St-Denis rêve d’une Maison des Amériques

ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DE BARADERO

PATRIMOINE CHÂTEL-ST-DENIS

La Veveyse est le seul district fribourgeois à ne pas disposer d’un musée. Cela pourrait changer, avec la création d’une Maison des Amériques. Un groupe de travail va étudier la question. Mais le projet ne se concrétisera pas en un claquement de doigt. Explications avec le coprésident de l’association Baradero-Fribourg, instigatrice du projet, et conservateur du Musée gruérien Christophe Mauron.

Les gares sont une porte d’entrée et... de sortie pour une ville. Le train est un appel à l’évasion, au voyage. Couronnée d’une nouvelle gare, la ville de Châtel-St-Denis rêve désormais d’un centre culturel sur l’émigration. Un groupe de travail va plancher sur la création d’une Maison des Amériques, selon une information de La Liberté de jeudi dernier. Parce que, en effet, c’est du chef-lieu de la Veveyse que sont parties, en 1856, quatre familles (Genoud, Liaudat, Cardinaux et Chollet) pour fonder une colonie à proximité de Baradero, en Argentine.

D’ailleurs, l’instigateur du projet n’est autre que l’association Baradero-Fribourg. Son coprésident – avec Claude Ecoffey, ancien directeur de la Maison St-Joseph – et conservateur du Musée gruérien, à Bulle, Christophe Mauron souligne d’entrée que les discussions «n’en sont qu’aux prémices»: «Il ne faut pas que les gens s’attendent à voir ce lieu émerger demain.» Le conservateur est un fin connaisseur du sujet, puisqu’il a publié ses recherches universitaires dans un ouvrage intitulé La réincarnation d’Helvetia, histoire et mémoire des émigrés suisses à Baradero/Argentine de 1856 à 1956.

Combler un manque

La Veveyse est le seul district fribourgeois qui n’héberge aucun musée. Un Musée du bois, voulu par l’ancien préfet Bernard Rohrbasser, était sur les rails, rappelle Christophe Mauron, mais n’a jamais vu le jour. Il souligne le caractère «original» de la Maison des Amériques: «La migration est un thème d’actualité. Les médias en parlent. Tous les musées, ou presque, y ont consacré une exposition. Ce sujet intéresse le public. Le but n’est pas de faire un énième musée local que l’on pourrait trouver partout, surtout quand on sait que notre pays compte 1200 musées.»

A sa connaissance, un centre culturel sur l’émigration serait unique en Romandie, et même en Suisse. «Il existe le Musée de l’immigration, à Lausanne, mais il est tout petit. Et le Musée des Suisses dans le monde, dans le canton de Genève, a réduit la voilure ces dernières années.» Selon Christophe Mauron, la Maison des Amériques ne serait pas forcément un musée avec une vocation patrimoniale. D’autant plus qu’une telle institution demanderait des infrastructures, ainsi que des ressources humaines et financières importantes, rappelle-t-il. Le Musée gruérien pourrait alors jouer un rôle en conservant les documents et en procédant à des acquisitions.

«Un lieu de passage»

Pour Châtel-St-Denis, Christophe Mauron imagine un lieu de passage et d’accueil qui pourrait être un guichet d’information: «Pourquoi ne pas le coupler avec une garderie ou une bibliothèque? Il faudra créer l’envie d’y aller.» Pour susciter l’intérêt, le conservateur insiste sur le fait que ce centre culturel devra se trouver au centre-ville, proche de la nouvelle gare. En plus de l’emplacement, le groupe de travail de huit personnes – dont le professeur d’histoire à l’Université de Fribourg Claude Hauser, le vicesyndic Charles Ducrot, la conseillère communale Christine Genoud, ainsi que l’étudiant châtelois et collaborateur du Messager Isaac Genoud – devra déterminer les contours du projet et son financement.

Isaac Genoud aura la tâche de rassembler les archives de l’association Baradero-Fribourg dispersées chez plusieurs membres. «Aujourd’hui, il s’agit surtout de documents écrits et de photographies», indique Christophe Mauron. En attendant, les autorités châteloises ont sondé les huit autres communes du district afin de savoir si elles souhaitent prendre part aux réflexions. Le Conseil communal attend encore leur retour, selon La Liberté.

Les ancêtres des Châtelois ne sont pas les seuls à être partis de la Veveyse pour rejoindre Baradero-Fribourg. Le livre d’immatriculation de la Société suisse de Baradero de 1893 à 1970 évoque des familles de Bossonnens, de St-Martin, de Fiaugères ou encore de Porsel.

Le projet s’est également ouvert à l’émigration vers Punta Arenas au Chili, d’où le titre de Maison des Amériques. L’Association Fribourg-Nova Friburgo, qui préserve la mémoire de la colonie fondée au Brésil, est également partie prenante. Christophe Mauron souligne toutefois que le centre culturel ne pourra pas s’intéresser à toutes les émigrations des Fribourgeois à travers le monde, tant le sujet est vaste. «La thématique est cependant assez large pour susciter de l’intérêt au-delà du canton de Fribourg.»

Une ambassade pour les Amériques

Si l’idée apparaît maintenant, ce n’est pas un hasard. L’association Baradero-Fribourg a récemment renouvelé son comité avec l’instauration d’une coprésidence. «L’avenir, c’est aussi réaliser des projets en Suisse, alors que la rénovation de la Maison suisse de Baradero s’est achevée», note Christophe Mauron. Des réflexions ont germé lors de discussions informelles, jusqu’à la première réunion avec les autorités communales avant l’été dernier.

«Nous avons maintenant plusieurs générations de conseillers communaux qui se sont rendus à Baradero et qui y ont créé des liens», observe-t-il. En effet, en 2006, Châtel-St-Denis et Baradero sont devenues «Villes sœurs». Un an plus tard, un monument Cap Baradero Argentine, réalisé par l’artiste Yves-Alain Repond, est inauguré à la Maison St-Joseph. «Nous pourrions imaginer de déplacer cette œuvre sur une place, proche du futur centre culturel.»

Le conservateur est confiant pour l’avenir du projet. Il est convaincu que la Veveyse veut mieux connaître son histoire. Il en a pris conscience lors du Musée gruérien. Le 28 mars 2018, il avait invité les habitants de la Veveyse et de la Glâne, ainsi que les Fribourgeois résidant à Lausanne, à venir découvrir les archives qui les concernaient. Autre preuve de cet intérêt, le succès rencontré par les livres écrits par l’historien et ancien président de Baradero-Fribourg Martin Nicoulin sur le passé d’Attalens, de Granges (Veveyse), de Bossonnens et plus récemment de St-Martin. Qui sait, dans quelques années, la gare de Châtel-St-Denis offrira peut-être une ouverture sur le monde, au-delà de Bulle ou de Palézieux.

Valentin Jordil

  • Affiche de l’inauguration de la Maison suisse à Baradero, en 1899. ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DE BARADERO
  • Les vitraux datant de 1902 de la chapelle St-Blaise, à Prayoud, sont les seuls témoins matériels, visibles à Châtel-St-Denis, qui subsistent de l’émigration des Châtelois à Baradero. ARCHIVES DE LA SOCIÉTÉ SUISSE DE BARADERO
  • Immatriculation militaire d’Alfredo José Cardinaux, fils de Nicolas, en 1911. ARCHIVES PRIVÉES, BARADERO

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