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Châtel-St-Denis

«Coup de pouce supplémentaire» pour aider les personnes en difficulté

L’action Caddies pour tous a commencé, hier matin, dans un centre commercial de Châtel-St-Denis, avec Pascal Delessert (à g.) et Stéphane Demierre. PHOTOS VJ

PAUPÉRISATION VEVEYSE/RÉGION D’ORON

L’action Caddies pour tous, commencée hier dans toute la Suisse romande, se poursuit aujourd’hui, de 10 h à 18 h, ainsi que demain, de 10 h à 16 h.

Son but? Fédérer toutes les structures d’aide, les associations récoltant et distribuant de la nourriture aux personnes en difficulté, afin de lutter contre la précarité.

Bien réelle dans notre pays, celle-ci s’est encore aggravée depuis l’apparition d’un certain virus et des mesures de prévention qui en ont découlé.

«C’est assez incroyable de se dire qu’il y a des gens qui ont faim, dans notre pays! Et pourtant, c’est le cas. La pauvreté a toujours existé en Suisse, mais on a tendance à ne pas le dire, à le cacher.» Jessica Benattia-Magnin, de La Tour-de-Trême, n’en démord pas: le canton de Fribourg est autant touché que les autres par ce phénomène de précarité. Croissante et exacerbée, depuis le début de la crise économique induite par les mesures de prévention pour faire face à la propagation du coronavirus.

C’est cette triste réalité, et la forte augmentation des demandes d’aides, qui est à l’origine de l’action Caddies pour tous. Celle-ci, démarrée hier, prend place dans toute la Suisse romande. Des points de récoltes sont mis en place dans de nombreuses localités, afin de récolter des denrées alimentaires qui, ensuite, seront redistribuées aux nécessiteux. Si c’est la Lausannoise Anouk Wehrli qui a initié l’action (lire encadré), c’est bien la Gruérienne Jessica Benattia-Magnin qui s’est retrouvée coordinatrice du projet pour tout le canton de Fribourg (Fribourg-ville excepté).

Dans la région couverte par Le Messager, deux points de récolte ont vu le jour: les Cartons du Cœur de la Veveyse se sont installés devant l’entrée de la Migros à Châtel-St-Denis, tandis qu’Al Oron t’aide sollicite la générosité de la population à proximité immédiate des supermarchés situés sur la route de Lausanne à Oron-la-Ville. Ces deux actions prendront place aujourd’hui de 10 h à 18 h et demain de 10 h à 16 h.

«Projet exceptionnel»

«Les gens peuvent déposer des produits non périssables qui repartiront ensuite dans les différentes associations, qui se sont associées à Caddies pour tous, et seront ensuite redistribués selon les demandes reçues, explique Jessica Benattia-Magnin. C’est un projet exceptionnel, instigué par cette crise, qui au début était sanitaire et qui devient économique. L’objectif est de lutter contre la précarité, en distribuant de la nourriture, mais également de permettre aux différentes structures d’entraide de constituer des stocks dont ils auront besoin dans les mois prochains.»

Pascal Delessert, responsable veveysan des Cartons du Cœur, confirme: la journée de récolte prévue au mois de mars, dont son association est en partie tributaire pour remplir sa mission, a dû être annulée. «Cette action nous permettra de récolter des aliments non périssables et de les entreposer dans notre local à La Belle Etoile à Châtel-St-Denis. Ensuite, les denrées seront distribuées, auxquelles nous ajouterons des produits frais que nous achèterons sur le moment.»

Selon lui, Caddies pour tous est un véritable «coup de pouce supplémentaire qui aidera les personnes en difficulté à traverser cette crise passagère». Même son de cloche pour Henri-Louis Doge, de Carrouge (VD), fondateur d’Al Oron t’aide, association qui a vu le jour l’année dernière et qui récolte les invendus de plusieurs enseignes afin de les redistribuer. «Nous avons été contactés par Table Suisse, plus précisément son responsable pour Vaud et Neuchâtel Baptiste Marmier, pour prendre part à cette action collective.»

Flux constamment tendu

Si la précarité, en Suisse, est révélée au grand jour par cette crise sanitaire, elle n’est pas un phénomène nouveau, spontané, ou même éphémère. Henri-Louis Doge est bien placé pour le savoir: «Chaque semaine, nous ramassons des caisses de denrées invendues afin de les redistribuer. Et chaque semaine, une huitantaine de personnes ont recours à nos services. Avec ce que nous recevons et ce que nous redonnons, des produits frais principalement, nous sommes constamment en flux tendu.»

Une réalité du terrain que méconnait la majorité de la population, mais qui n’a pas échappé à Claude Maillard, des St-Bernard du Cœur. «La précarité, en Suisse? C’est une histoire sans fin!, déplore-t-elle. Ces deux derniers mois, nous avons reçu énormément plus de demandes qu’à l’accoutumée. Les gens, mis au chômage partiel, à l’arrêt ou simplement à attendre leurs salaires, puisent dans leurs réserves. Et certains, des réserves, avec le coût de la vie très élevé en Suisse, ils n’en ont tout simplement pas.»

Si les St-Bernard du Cœur ne se sont pas directement associés à l’action Caddies pour tous, ils s’évertuent, tout au long de l’année, à venir en aide aux plus démunis. «Trois cents sacs de nourriture nous sont livrés par semaine, et trois cents sont distribués. Nous avons un bénévole qui les amène dans tout les district de la Veveyse. Quand on parle de pauvreté, on pense à Genève, à Lausanne, mais il faut être conscient qu’il y a énormément de gens, sur Fribourg, qui sont en difficulté. Les gens qui ont faim, chez nous, ça existe aussi!»

Augmentation des demandes

Autre association qui ne s’est pas jointe à Caddies pour tous, mais qui prend soin de son prochain au jour le jour: les Cartons du Cœur de la région d’Oron. Gérald et Anne-Marie Nidrist, de Palézieux, actuels président et trésorière, s’y activent depuis de nombreuses années. «Nous n’avons pas pu effectuer notre première récolte de l’année, un approvisionnement qui nous permet de fonctionner durant six mois. C’est pourquoi nous avons lancé cet appel aux dons récemment. Parce que si nous ne pouvons pas récolter de la nourriture, nous devons l’acheter. Il nous faut donc récolter de l’argent si nous voulons continuer à venir en aide à ceux qui en ont besoin.»

Selon eux, les demandes de soutien sont en «très nette augmentation, 30% environ, et ce n’est que le début. Quand l’économie va réellement repartir, c’est là que les licenciements auront lieu. Pour l’instant, nous sommes au pied du mur, au-devant de la crise, et personne ne va s’en sortir indemne. Tous les secteurs d’activités vont être impactés.»

La méconnaissance de l’opinion publique de la pauvreté en Suisse est due, d’après Gérald et Anne-Marie Nidrist, aux clichés véhiculés par les discours officiels. «On dit tout le temps partout que la Suisse est riche. Donc pour la population, c’est un acquis. Ils n’ont pas l’habitude de voir ce qui se passe réellement dans l’arrière-pays. Il faut savoir que la précarité touche tout le monde chez nous, autant des Suisses que des gens d’origine étrangère. Des seniors licenciés qui peinent à retrouver un travail, des étudiants, des grandes familles, des mères célibataires, tout le monde!» Christian Marmy

Caddies pour tous, récolte de nourriture pour venir en aide aux démunis, aujourd’hui de 10 h à 18 h et demain de 10 h à 16 h, à la Migros de Châtel-St-Denis et à la route de Lausanne à Oron-la-Ville. Plus d’infos sur www.caddiespourtous.ch


Celle qui est à l’origine des Caddies pour tous

Anouk Wehrli, de Lausanne, coproductrice de l’émission de la RTS La Première Chacun pour tous, est celle qui a imaginé une action collective d’entraide, intitulée Caddies pour tous, afin de lutter contre la pauvreté croissante (lire ci-contre). «Il y a eu plusieurs éléments déclencheurs, explique-t-elle. J’ai trouvé admirables les élans spontanés de solidarités qui sont apparus récemment. Je me suis dit que ce serait génial de se mettre tous ensemble et de proposer une action commune, à l’échelle de toute la Suisse romande, pour contrer la précarité. L’idée était de récolter le plus de denrées possible, afin de pouvoir aider autant de personnes que possible.» Au moment où certaines structures d’entraides devaient momentanément cesser leurs activités, parfois en raison de l’âge de leurs bénévoles (population à risque qui devait se montrer spécialement rigoureuse dans le respect des mesures de prévention), la proposition d’Anouk Wehrli tombait à pic. «C’est depuis la mi-avril que je mets sur pied les Caddies pour tous.» L’action permet, d’une part, de fédérer toutes les structures d’entraide, mais elle offre également, à toute la population romande, la possibilité de participer. «Désormais, je ne suis plus maître de rien, sourit Anouk Wehrli. J’ai fait tout ce que j’ai pu. J’espère que les gens seront au rendez-vous. Si ça marche bien, tant mieux, j’en serais ravie.» CM

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