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Châtel-St-Denis

«Je n’ai pas eu le blues de la Fête, parce que j'en parlais à toutes les tables»

Si dans un premier temps, Raoul Colliard ne voulait pas prendre part à la Fête des vignerons, il ne regrette pas d’avoir accepté. JULIE MASSON – FÊTE DES VIGNERONS 2019

FÊTE DES VIGNERONS LES PACCOTS/VEVEY

Roi de la fondue et des soupes de chalet, Raoul Colliard a participé à sa quatrième Fête des vignerons, cet été. Le Châtelois de 78 ans a raconté au Messager comment il a vécu cette saison estivale, entre sa buvette de Saletta en dessus des Paccots – dont la saison s’est achevée le 30 septembre – et l’arène veveysanne de 20 000 spectateurs.

«Peut-être parce que je sais que la vie va trop vite!» Les quelque 355000 spectateurs de la Fête des vignerons n’ont pas oublié la réponse et les larmes du Châtelois Raoul Colliard quand la petite Julie – personnage principal du spectacle – lui demandait pourquoi il pleurait quand il chantait. Depuis la fin de la Fête, les acteurs-figurants sont nombreux à être venus rendre visite à Raoul Colliard, interprète de l’Armailli 1819, dans sa buvette d’alpage de Saletta, en dessus des Paccots. Un moyen de s’enivrer, encore un peu, des souvenirs de la Fête des vignerons et de soigner leur «FeVi-blues».

Dans les yeux de Raoul Colliard, 78 ans, on devine encore les étoiles qui brillent – ou ne serait-ce qu’un reste de larme – lorsqu’il évoque cette saison estivale «spéciale», qui s’est achevée le 30 septembre. Entre le 18 juillet et le 11 août, il a partagé son temps «entre en haut et en bas»: «La Fête des vignerons m’a rappelé aux bons souvenirs de beaucoup de clients. Ce qui m’a fait plaisir, c’est de recevoir pas mal de groupes, la St-Martin, les Oriflammes… Ils sont tous venus. Je n’ai pas eu le blues d’après-fête, parce que j’en parlais tous les jours et à toutes les tables. Tout le monde était content du spectacle. J’évitais les discussions sur le déficit, par contre.»

Tout le monde connaît son nom

Justement, quand on lui demande son avis sur les 16 millions de francs qui manquent encore dans les caisses, il se contente de dire: «Je fais confiance à la Confrérie des vignerons et à la tradition.» Seul personnage du spectacle à porter son vrai prénom, Raoul Colliard a bénéficié d’une visibilité plus grande que les autres acteurs-figurants.

Ce n’était pourtant pas prévu, comme il le raconte: «Lors de la seconde représentation, quand Nina Perrenoud, l’une des deux petites Julie, me pose la fameuse question, elle ajoute “Raoul”. Il m’a fallu un petit moment pour répondre, j’étais surpris. Après le spectacle, j’ai été la voir pour lui demander qui lui avait dit de dire “Raoul”. Elle m’a répondu: “Pourquoi, je ne dois pas dire?” (Rires).» Le lendemain, Nayah Kohli, l’autre petite Julie a continué à prononcer son prénom.

Des anecdotes, Raoul Colliard en a des dizaines. Il ne se lasse d’ailleurs pas de les raconter: «Je dis tout ça, mais après vous mettez dans l’ordre, hein!» Si Raoul Colliard avait loué une chambre à Vevey pendant la Fête, il n’y est finalement resté qu’une dizaine de nuits. «J’ai soudoyé l’un des techniciens pour aller chercher mon micro, seulement une heure avant mon passage: je descendais à 22 h au lieu de 20 h 30 comme les autres solistes. Ce qui me laissait le temps d’embrier le service en “Salett”.»

Qu’est-ce qu’il lui a promis en échange? «Un T-shirt des Armaillis de la Fête des vignerons (rires).» Bénéficiant d’une loge sous l’arène avec Michel Voïta, qui interprétait le grand-père, et les trois docteurs, Raoul Colliard pouvait se changer rapidement.» Il indique n’avoir eu aucun souci, car il a pu compter sur son épouse Myriam et sur une «super» équipe pour gérer la buvette en son absence.

Convaincu par Daniele

Raoul Colliard souligne la ferveur populaire qu’a été cette Fête des vignerons, comme les précédentes d’ailleurs: «Tout le monde était un peu fatigué. Mais, dès qu’on arrivait à Vevey, nous sentions cet élan qui nous prenait. Nous oubliions la fatigue.» Il a pourtant failli ne pas y participer. En effet, au moment de confirmer son inscription, il coche la case «non» dans l’e-mail. «Je ne voulais pas être le vieux armailli. Je n’étais pas très chaud à l’idée d’y aller. La secrétaire des Armaillis m’a téléphoné pour me demander si je savais employer mon ordinateur, parce que j’avais mis “non”.» Deux jours plus tard, le metteur en scène, le Tessinois Daniele Finzi Pasca vient avec sa compagne et assistante Melissa Vettore à Saletta pour manger la fondue. «Quand je lui ai dit que je ne viendrais pas, il m’a dit: tu ne me fais pas ça. J’ai besoin de toi, je veux un vieux armailli.» Il finira par le convaincre.

Il faut dire que les deux hommes se connaissent bien. Ils se sont rencontrés en 2015, à Montréal en Lumière, où la Suisse faisait valoir sa gastronomie, dont la fondue que Raoul Colliard servait dans le restaurant de Garou. «Je suis content d’avoir accepté, car je serais passé à côté de beaucoup de choses. Ce rôle m’a plu, ce petit dialogue me représentait bien.» La réplique de Raoul Colliard, écrite par Daniele Finzi Pasca, tire aussi son origine d’une rencontre entre les deux hommes autour d’une fondue. A l’automne 2016, toute l’équipe artistique est réunie au Tsalè, aux Paccots. L’abbé-président François Margot lui demande alors, à la fin, de chanter le Ranz des vaches. «Impressionné par l’auditoire de ce jour-là, j’avais les larmes aux yeux», raconte-t-il. Un vrai lien d’amitié s’est, depuis, tissé entre le metteur en scène et l’armailli. «Chaque fois que je le croise, il me dit: “mon frère”»

Ne pas comparer

Petit-fils de Robert Colliard, soliste du Ranz des vaches en 1927, Raoul Colliard a été jeune armailli à la Fête de 1955, cavalier d’honneur en 1977 et maître armailli en 1999. Il a présidé la société des Armaillis de la Fête des vignerons de 1988 à 2010. Le tenancier de la Saletta se refuse à comparer les quatre éditions auxquelles il a pris part. «Chacune se vit à 100% et chaque metteur en scène a su adapter toutes nos traditions à son temps.» Maintenant que Raoul Colliard est redescendu de son alpage, il va envoyer «quelques SMS» à Daniele Finzi Pasca pour lui donner des nouvelles. Il confie n’avoir vu aucun spectacle, car il n’avait pas de doublure.

Ce qui a failli lui jouer un tour. Le 25 juillet, l’orage menace au-dessus de Vevey. Ce jour-là, Raoul Colliard est aphone. «Michel Voïta m’a donné des exercices à faire, ça allait un peu mieux. J’appréhendais d’y aller. Les gens auraient eu tellement plaisir à dire que celui-ci avait fait la foire, parce qu’il n’a plus de voix. Ce qui n’était pas le cas. Au moment où ils ont arrêté le spectacle, j’étais le seul à être content.» Le Châtelois estime que le flambeau est désormais transmis à la nouvelle génération.

Il en veut pour preuve les jeunes qui s’engagent dans la société des Armaillis de la Fête des vignerons, même s’ils ne sont pas tous armaillis. «Par rapport à avant, où les bras ne manquaient pas dans les campagnes, il est devenu aujourd’hui difficile de s’absenter de son alpage. Lors de la Fête, les meneurs n’étaient donc pas tous des armaillis. Par contre, ces gens partagent nos valeurs et viennent chaque fois nous donner un coup de main.» Il conclut: «Il y a une jeunesse qui veut faire perdurer la Fête des vignerons et le Ranz des vaches.» La magie se prolongera le 20 octobre, lors de la Bénichon de Châtel-St-Denis. En effet, les deux petites Julie, le grand-père Michel Voïta, la messagère Sofia Gonzalez, le Cent-Suisse 1819 Jean-Pierre Chollet et Raoul Colliard – accompagnés par d’autres acteurs-figurants – participeront au cortège.

Valentin Jordil

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