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Châtel-St-Denis

«Je ressens l'écriture comme une envie inassouvie»

Dans son dernier ouvrage, Marie-Claire Dewarrat exprime sa désillusion du monde littéraire tout en rendant hommage à l’art de l’écriture. JEAN-BAPTISTE MOREL

LITTÉRATURE CHÂTEL-ST-DENIS

Marie-Claire Dewarrat a récemment publié Le chagrin d’Icare. L’occasion de revenir sur le parcours de vie et les pensées idéologiques de l’auteure châteloise.

Dans sa maison sise à côté de l’église de Châtel-St-Denis, Marie-Claire Dewarrat apparaît souriante et ravie de s’épancher sur le sujet de la conversation: son parcours de vie retraçant son enfance nébuleuse à aujourd’hui, où elle se qualifie comme une personne flottant entre la désillusion et la pugnacité.

Cette rencontre intervient quelques temps après la parution de son ouvrage Le chagrin d’Icare, qui rend hommage à l’écriture tout en critiquant ses aléas et autres satellites polluant le noble art de la littérature.

Marie-Claire Dewarrat l’avoue sans détour. A 73 ans, elle a déjà analysé les différentes périodes de sa vie et s’aper- çoit que des choses lui manquent. Que ce soit des objectifs non accomplis ou des combats perdus. «Malgré cela, et les accrocs que m’a réservés la vie, je tire un bilan général positif.»

Dur contexte familial

L’auteure châteloise, dans les années 1950 et 1960, a vécu dans un contexte familial chaotique. «Aujourd’hui, on qualifierait mon enfance de difficile. Pourtant, je ne l’ai pas perçue de cette manière.» La jeune fille d’alors aidait sa grand-maman à faire le mélange dans la ferme des Osses, à Remaufens, propriété du neveu de cette dernière et installée près d’anciennes tombes.

Un souvenir de cette période a frappé Marie-Claire Dewarrat. «Mon cousin avait la détestable habitude de ramener des ossements dans la cave et de me forcer à aller chercher de la limonade.» Une vision mêlant la réalité et le fantastique.

En suivant l’école catholique, à Bex, dans un village protestant, Marie-Claire Dewarrat a assisté à des scènes surréalistes. «On nous jetait des cailloux lorsque l’on se rendait à la salle de gym par exemple. C’était l’Irlande!» Pour suivre le collège, la Châteloise d’adoption s’est rendue à St-Maurice.

Passionnée par le français

Dans la majeure partie des branches scolaires, elle se tournait les pouces. Elle appréciait le dessin et, bien entendu, le français. «J’écrivais déjà n’importe quoi, n’importe où et n’importe quand. Que ce soit des poèmes, des lettres d’amour ou des histoires.» La jeune fille qu’elle était prenait du plaisir à faire les devoirs de français de ses copines.

A 16 ans, elle a rejoint sa grandmaman dans le chef-lieu veveysan avec l’intention de devenir infirmière en psychiatrie, mais elle ne pouvait pas suivre les cours avant sa majorité. Elle doit alors travailler dans un atelier de confection de sacs de luxe pour les représentants de montres.

Une rencontre impromptue a alors bouleversé sa vie et ses plans. «Je suis tombée sur un type qui m’a ramenée plusieurs fois et je l’ai épousé», rigole la septuagénaire. Pierre Dewarrat et Marie-Claire ont «suivi la voie de la famille parfaite, même si tout n’a pas été facile».

Elle évoque notamment le décès de deux de ses quatre enfants. Des pertes qui ont laissé un vide dans la vie du couple. «Notre fille a eu un accident de voiture et la seconde est décédée avant d’être venue au monde, à huit mois et demi de grossesse.» Elle a surmonté ces deux crashes grâce à sa résilience. «Soit on surmonte les épreuves, soit on s’arrête…»

Pour le vote des femmes

En pleine période de la bataille pour le droit de vote des femmes, Marie-Claire Dewarrat s’est engagée dans cette lutte avec la puissance de ses mots et la force de son écriture. Son écriture est son cheval de bataille. «A l’époque, notre but était essentiel. Aujourd’hui, la sensibilité féministe a dérivé. Pour moi, tant que nous n’avons pas de salaires égaux, le combat a perdu sa cohérence.»

L’art de l’écriture a toujours fait partie intégrante de la vie de Marie-Claire Dewarrat, publiée notamment dans L’Illustré ou Femina. Autodidacte, sa première œuvre découle du premier Concours culturel de l’Etat pour lequel elle avait rédigé des nouvelles intitulées L’été sauvage. Depuis, elle a rédigé une quinzaine d’ouvrages. «Je ne ressens pas forcément de la fierté, parce que j’écris tout d’abord pour moi. Je ressens l’écriture comme une envie inassouvie. Ce n’est ni un devoir ni une tâche, je n’ai pas le choix d’écrire», décrit la Châteloise, qui se sert de son bouillonnement intérieur pour passer ses messages.

«Détestable» Covid

Aujourd’hui, elle se dit moins innocente et davantage pragmatique. Elle reste en colère à l’encontre de beaucoup de sujets: l’injustice, l’inégalité, le traitement des personnes souffrant d’un handicap ou la vieillesse. Ces deux derniers thèmes la concernent directement, puisqu’elle est âgée de 73 ans et que son mari, de treize ans son aîné, est en chaise roulante.

«Nous voyons que nous sommes une population à part et cela me fait mal… La période qu’a engendrée le Covid a été la plus détestable à vivre. Je me suis exprimée en m’armant de mon clavier.

Pour dire ce que je pensais.» Désor mais, Mar ie- Claire Dewarrat profite de la vie et des bonheurs qu’elle lui confie «tout en continuant à s’insurger». Elle veut poursuivre son chemin dans la vieillesse sans être trop marquée par elle. «Il faut vivre avec son temps, sans regarder en arrière et sans forcément se projeter. Parfois, il faut savoir rester dans sa bulle, peser ses mots et oser s’exprimer au moment opportun.» Maxime Schweizer


«Le chagrin d'Icare une ode à l’écriture»

Dès les premières lettres, Marie-Claire Dewarrat appose sa patte sur son dernier ouvrage intitulé Le chagrin d’Icare. Chaque mot est choisi avec soin de même que le vocabulaire utilisé. L’auteure châteloise dresse le bilan d’une vie d’un point de vue philosophique et défend l’art de l’écriture littéraire.

«Cet art en lui-même ne m’a jamais déçue, livre la septuagénaire. Cependant, tout ce qui entoure le message principal du texte m’écœure.» Notamment les rencontres entre les auteurs et les lecteurs ou les séances d’autographes. L’essentiel pour elle était de notifier la double-face du livre, à savoir l’hommage à l’écriture et la critique des aspects environnants.

Comme le héros de son ouvrage, Marie-Claire Dewarrat aimerait pouvoir rassembler ses livres et leur mettre le feu. «Pourquoi, je ne sais pas… Je n’arriverais pas à l’expliquer. Mais cette expérience me dirait bien.»

Le chagrin d’Icare évoque également l’impuissance de l’humain. «J’aime dire qu’il faut être moyen pour réussir dans la vie. J’ai voulu laisser la porte ouverte aux lecteurs pour se faire une idée sur le thème principal du livre.» MS

Marie-Claire Dewarrat, Le chagrin d’Icare, Editions de l’Aire, 185 pages

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