Logo

Châtel-St-Denis

La dernière désalpe

Armand Berthoud a vécu sa dernière désalpe avant sa retraite. A cette occasion, ses proches lui ont fait cadeau d’une vache, Virginie, laquelle a rejoint le troupeau. PHOTOS MMS

PORTRAIT CHÂTEL-ST-DENIS

L’âge de la retraite a officiellement sonné pour Armand Berthoud, appelé à lever le pied de ce métier d’agriculteur, qui occupe tous ses jours depuis sa plus tendre enfance. Le 26 octobre, il a vécu sa dernière désalpe à la tête de son exploitation. Une équipe de choc et le soleil étaient de la partie.

La période des désalpes était quasiment achevée en cette fin du mois d’octobre. Toutefois, quelques troupeaux devaient encore rejoindre la plaine. Et selon l’usage, la descente des bêtes d’Armand Berthoud s’est faite au plus tard. Cette année, elle revêtait, en plus, un caractère particulier. Car, pour lui, l’heure de la retraite a sonné. Le temps est venu de passer le relais, ce qu’il a prévu et préparé de longue date dans la relation entretenue avec son beau-fils, Julien Saudan, amené à conduire dorénavant la destinée de l’exploitation.

Cette désalpe, sa dernière désalpe, se devait donc d’être parfaitement réussie. Armand Berthoud, ému, le reconnaît: «C’était un très beau jour, on a eu une météo superbe». Anne-Lise, sa femme, et une équipe de choc – le plus jeune avait 5 mois, le plus vieux 66 ans – ont fait en sorte que la fête soit belle, le jour J. Celle-ci a commencé la veille de la descente du chalet La Moille Etalon, avant la rituelle préparation des bêtes, le samedi matin. Autour d’un souper, une surprise attendait Armand Berthoud et Julien Saudan: une vache offerte en leur honneur par la famille et les amis proches, à l’occasion de leur transmission de flambeau.

Un parcours précoce

Fils et petit-fils de paysan, Armand Berthoud a à son actif plus de cinquante ans de métier à la ferme familiale du Chêne, qui date de 1726. Comme dans bon nombre d’exploitations, le travail s’y transmet naturellement, réclamant au quotidien tous les bras disponibles. Armand Berthoud concède donc qu’il a, bien sûr, commencé à travailler dès son plus jeune âge, à la fois pour assurer diverses tâches à sa mesure, mais aussi de par son intérêt spontané pour le métier: «Depuis tout petit, j’étais dans les pattes de mon grand-père, Alfred. C’est lui qui m’a appris à traire dès l’âge de 7 ans. Il y avait une grande complicité entre nous.»

Trois ans plus tard, il entame sa vie de garçon de chalet. Cet apprentissage sur le terrain a été complété par des cours d’agriculture suivis, à l’époque, à Bulle. Il s’agissait d’une formation effectuée pendant deux hivers de suite. Mais il n’était pas question pour autant de délaisser les travaux à la ferme. «J’étais toujours debout à cinq heures du matin, devais aller à ces cours et rentrer en fin d’aprèsmidi… pour aller fourrager», se souvient Armand Berthoud. De longues journées de labeur dont il ne s’est jamais plaint.

Epreuves, succès…

C’est à partir de 1993 qu’il reprend, seul, l’exploitation de son père qui, à l’époque, comptait une quinzaine de vaches laitières. Aujourd’hui le troupeau est constitué d’un peu plus d’une trentaine de têtes de bétail. Pour s’en occuper, il est aidé par Julien Saudan qui a, de fait, été entraîné à assurer la suite. La croissance de son exploitation ne l’a pas empêché de travailler au Monte-pente de Corbetta, aux Paccots, pendant une vingtaine d’années, de 1970 à 1990.

Durant tout ce temps, Armand Berthoud a assisté à l’évolution rapide de l’agriculture: «Je suis passé de la traite à la main à la traite directe, du cheval au tracteur en 1962, et j’ai vu l’arrivée successive de nouvelles machines.» Les épreuves ont aussi été au rendezvous. Sa femme décède à la suite d’une maladie, en janvier 2004. En décembre
2012, sa ferme brûle. «Des moments difficiles... En ce qui concerne la ferme, nous avons réussi à sauver le bétail, heureusement, sinon il n’y avait plus rien. Il fallait tout recommencer, reconstruire la maison, terminée en 2014, et redémarrer l’exploitation.» Il rachète une ferme à Semsales en 2013 et une stabulation, pour les génisses, voit le jour en 2015.

… et projets

La présentation de ses bêtes à diverses expositions – à la Swiss-expo, à la Junior de Bulle, à l’anniversaire du syndicat d’élevage du Prayoud – lui a permis de remporter quelques prix. Les moments heureux sont donc aussi au rendez-vous, comme celui d’avoir connu, en 2005, Anne-Lise Currat, sa seconde épouse, et d’accorder aujourd’hui sa confiance au fils de cette dernière pour la conduite de l’exploitation. Avant la descente du troupeau, Julien Saudan lui a d’ailleurs rendu un hommage vibrant, marquant sa reconnaissance quant à la relation établie entre eux. L’émotion était palpable et a traversé cette singulière descente du troupeau.

Ses occupations constantes lui ont-elles laissé le temps de penser à la retraite? A peine, car il compte encore donner bien des coups de main à la ferme. Mais il a quelques projets en tête, notamment de partir plus souvent avec sa femme pour quelques sorties et voyages. Sa dernière désalpe ne risque pas, en tous les cas, de le voir délaisser la montagne et ses bêtes.

Michel Machicoane Stocker

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus