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Châtel-St-Denis

«Maintenant, on tatoue la deuxième génération»

Bep’s et Isabelle, du salon de tatouages Imag’in, se plaisent à Châtel-St-Denis. RÉGINE GAPANY

Le salon de tatouages Imag’in basé à la Grand-Rue de Châtel-St-Denis fête ses 20 ans cette année. Bep’s, son fondateur, et sa collaboratrice Isabelle reviennent sur leur histoire et cette pratique qui s’est démocratisée avec les années.

Le fondateur d’Imag’in Tattoo, Bep’s, et sa fidèle acolyte Isabelle font partie du décor de la Grand-Rue du chef-lieu veveysan. Ils ont investi les lieux il y a vingt ans. Et se sont rencontrés il y a près de quarante ans.

«Nous fréquentions les mêmes amis dans le milieu du rock’n’roll et de la moto, se remémore Isabelle. Nous nous sommes retrouvés dans de nombreux festivals, comme à Leysin où je me suis offert mon premier tatouage en 1980.» Un papillon avec des bottes de cow-boy qu’on ne distingue presque plus aujourd’hui, recouvert par d’autres, plus récents.

Bernard Dubois alias Bep’s a, quant à lui, ramené un de ses premiers tattoos, un aigle, du quartier de Pigalle à Paris, où Bruno, un des seuls à pratiquer en Europe en 1997, travaillait.

C’était rock’n’roll

Quand Bep’s a ouvert son salon en 2000, la pratique commençait à se populariser, mais était encore bien rock’n’roll. Le tatoueur démarre officiellement son activité dans l’arrière-boutique du magasin de vêtements que tenait Isabelle à Blonay. En 2001, il a jeté son dévolu sur Châtel-St-Denis.

D’abord installé dans un local de 30 m2 à côté des XIII Cantons, Imag’in a déménagé au numéro 65 de la Grand-Rue en 2014. Plus vaste et doté d’une mezzanine, c’est ici que Bep’s et Isabelle travaillent depuis huit ans.

«J’ai toujours œuvré à ses côtés, à différents pourcentages suivant les périodes, explique l’habitante de Maules, également intervenante en dépendance dans une fondation veveysanne. Je m’occupe du bureau, de l’accueil des clients et de la réception des projets. Il y a deux ans, j’ai commencé à m’entraîner à tatouer sur des peaux synthétiques et récemment des copines m’ont proposé leur dos.»

Avec une once de nostalgie dans la voix, les deux amis se remémorent la culture du tatouage alors qu’elle était encore underground. Il s’agissait d’une grande famille dont on connaissait tous les membres. «C’était le début des conventions. Plus rares à l’époque, elles draguaient toute la communauté. Il existe aujourd’hui entre 10 et 15 événements de ce type en Europe par weekend.»

De nombreuses récompenses

S’ils participent moins à ce genre de manifestations, ils en gardent de lumineux souvenirs, et pas uniquement sur les bras et les mollets. Bep’s a gagné de nombreux prix lors de ces rencontres, dont ce trophée en cire perdue ramené de Dijon en 2009. Et de multiples récompenses pour ses dos, effectués dans son style de prédilection, le réalisme noir et blanc.

La notoriété, l’expérience et la longévité lui permettent de facturer aujourd’hui plus cher qu’il y a vingt ans et de se faire de nouveaux clients. Mais la majorité des tatoués constitue une clientèle fidèle. «Maintenant, on tatoue la deuxième génération, s’enthousiasme Isabelle. A Châtel-St-Denis et dans les environs nous avons “piqué’’ beaucoup de monde!»

Une histoire de rencontres

Les deux compères de la Grand-Rue retiennent surtout du monde du tatouage les rencontres que le milieu suscite avec des personnes d’un peu partout. «Je ne me tatoue pas pour que ce soit beau, mais pour me souvenir des gens, explique Bep’s, preuve à l’appui en dégainant sa jambe gauche. Ici Kako, là l’apprenti Robin qui a ouvert un salon à Fribourg, suivi d’un Malaisien, d’un Réunionnais et du portrait de mon père réalisé par un Français qui habite maintenant au Japon.»

La cohérence peut être recherchée au début, mais avec les années, les bras des tatoueurs se remplissent d’essais et d’œuvres non préméditées. «C’est vrai qu’on a de drôles de mélanges, admet Isabelle, mais c’est vraiment le contact avec la personne qui compte. Je crois que j’ai neuf tatoueurs différents sur ce bras.»
Les deux restent cependant très à cheval sur la déontologie lorsqu’il s’agit de leurs clients. Bep’s a ainsi refusé de tatouer une fillette de 13 ans, malgré la présence et l’insistance de ses parents. Ceux qui leur rendent visite sont néanmoins d’ordinaire plus âgés.

Les vieux motards et les grand-mères qui n’ont plus à se justifier sont légion. «Elles s’offrent une petite fleur et sont heureuses!» L’autre jour, les deux complices ont battu leur record: une cliente de 82 ans s’est annoncée pour faire son premier tatouage. «C’est marrant, on attire la clientèle qui nous correspond, remarque Bep’s. Malgré les enfants de nos tout premiers clients, les gens qui viennent chez nous ne sont pas des gamins.»

A 63 ans, le tatoueur avance lui aussi en âge, mais précise qu’il n’y a pas de retraite pour les artistes. Il n’aurait cependant rien contre l’idée de trouver un jeune dans le même état d’esprit à qui transmettre un jour la boutique afin de pouvoir lever un peu le pied. Tout en continuant pour certains travaux particuliers et pour les amis.
Régine Gapany


Une profession qui se transmet
Aucune formation officielle n’existe dans la profession, bien qu’elle soit de plus en plus réglementée, notamment au niveau de l’hygiène. «C’est selon le tatoueur, s’il est disposé à recevoir un apprenti. Chacun a sa méthode de formation.» Le salon Imag’in en a formé sept depuis 2001. Bep’s a quant à lui eu la chance de rencontrer un vieux tatoueur au Montreux Jazz Festival en 1995 qui lui a transmis les ficelles du métier.

Après vingt ans dans le milieu, sa collègue Isabelle est loin d’être novice. «Nous étions des pionniers», rappelle le tatoueur. La pratique encore très marginale n’offrait pas les facilités d’aujourd’hui. Ainsi, un jour par semaine était dévolu à la fabrication des machines, au soudage des aiguilles, au nettoyage des buses et à la stérilisation. Rien à voir avec les stylos sans fil d’aujourd’hui disponibles en deux clics sur internet.»

Une récente clientèle, issue de la multitude de nouveaux salons a cependant fait son apparition ces dernières années. «Les tatoués déçus qui souhaitent récupérer ou recouvrir des tatouages mal exécutés par des novices qui ne prennent pas la mesure de la pratique de l’encrage.» Parallèlement, le niveau général est aussi beaucoup plus élevé qu’à l’époque. De nombreux tatoueurs sortent des Beaux-arts et se créent un style qui leur est propre. «A l’époque, le gars qui savait tirer une ligne droite était tatoueur», se souvient Isabelle.

Si les appelés se multiplient, la sélection se fait naturellement. «La concurrence a du bon et du mauvais», estime l’artiste de Châtel-St-Denis. RG

 

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