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Châtel-St-Denis

«Nous n’avons jamais voulu enfermer les ados dans une cage et les protéger de tout»

Renée et Stéphane Simonet ont été durant 22 ans le moteur de la troupe de théâtre éCOlisée. RÉGINE GAPANY

Enseignants au CO de la Veveyse, Renée et Stéphane Simonet présentent Comme il vous plaira, la dernière pièce de la troupe éCOlisée. Le couple a choisi de mettre un terme à cette aventure humaine pour laquelle il s’est engagé sans compter durant 22 ans.

Ils se sont rencontrés en l’an 2000 sur les planches du Cycle d’orientation de la Veveyse. Renée, basée à Genève où elle étudiait au Conservatoire, appuyait son père, l’enseignant Claude Pillonel dans la mise en scène d’une pièce à l’occasion de l’inauguration de l’Univers@lle. Stéphane, fraîchement diplômé dans l’enseignement et également féru de théâtre s’était naturellement greffé au projet.

A la suite de la représentation en 2001 d’Antigone de Sophocle, l’acte fondateur de la troupe éCOlisée, le jeune couple décide de poursuivre le projet. «C’était l’occasion de créer un mouvement qui soit pérenne au sein de l’école», note Stéphane Simonet. Un mariage en 2003, trois enfants et onze pièces plus tard, les deux enseignants et metteurs en scène présentent dès ce soir et jusqu’au 11 juin le dernier spectacle de la troupe, Comme il vous plaira de William Shakespeare.

«J’avais 24 ans quand nous avons commencé, retrace Renée Simonet, j’ai passé toute ma vie d’adulte avec éCOlisée. Il faut savoir s’arrêter avant d’en faire moins. Et puis, nous avons commencé avec une inauguration de salle, nous finissons avec une inauguration (n.d.l.r.: les nouveaux bâtiments du CO). La boucle est bouclée.»

Le rythme fut effréné. Depuis 2001, tous les deux ans, la troupe repartait de zéro. Ils auront en tout monté douze spectacles. Antigone de Sophocle, Le Dragon d’Evgueni Schwartz, Electre de Jean Giraudoux, Roméo et Juliette de William Shakespeare, Le roi nu d’Evgueni Schwartz, Les pas perdus de Denise Bonal, Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, La dame de chez Maxim de Georges Feydeau, La visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt, Antigone de Jean Anouilh et Rhinocéros d’Eugène Ionesco en 2020.

Sur les pas d’Antigone

Quand le directeur de l’époque, Jean-Pierre Liaudat, a proposé à Claude Pillonel de présenter une pièce de théâtre à l’occasion de l’inauguration de l’Univers@lle, l’enseignant de français n’a pas hésité. Il voulait monter avec ses élèves Antigone de Sophocle. «C’était ça ou rien.»

L’histoire de cette adolescente de 14 ans, entière dans son engagement et dans sa vision de la vie est brûlante d’actualité. «Nous avons d’ailleurs repris la version d’Anouilh en 2018», souligne la fille du fondateur.

Cette pièce résume à elle seule l’engagement et l’état d’esprit qui a guidé la troupe durant toutes ces années. «C’est une histoire totale qui ose dire clairement les choses. Il est possible de voir au-delà du système dans lequel on vit. Les jeunes ont le pouvoir de changer le monde», résume Stéphane Simonet.

Médiateur et enseignant depuis plus de vingt ans, il se dit principalement marqué par les relations nourries par la troupe. «L’importance du lien dans la transmission est scientifiquement prouvée. Le théâtre permet les contacts les plus intéressants et les plus profonds selon moi.» Renée, qui enseigne également le latin, le grec et l’anglais depuis 2007 se remémore avec joie les 300 comédiens qui ont joué avec éCOlisée. «Certains sont même devenus des amis!»

Le couple est heureux d’avoir permis à de nombreux jeunes de découvrir «le monde fabuleux» de la scène. Dans une ambiance peut-être plus libre et moins cloisonnée que celle des bancs de l’école, mais pas moins exigeante, éCOlisée leur a permis de s’ouvrir et de voir plus loin. «Nous n’avons jamais voulu enfermer les ados dans une cage et les protéger de tout.»

Pas de concession

Les metteurs en scène ont plusieurs fois surpris par le choix de textes réputés exigeants que beaucoup n’auraient pas osé monter avec des adolescents. Pour Renée et Stéphane Simonet, il n’y a jamais eu de limite. «Aujourd’hui, nous oserions monter n’importe quelle pièce.»

Leur vision du théâtre est sans concession. «Je déteste entendre, en sortant d’une pièce que pour des ados, c’est quand même pas mal… Ce n’est pas leur rendre service», confie l’enseignant.

Les Simonet font confiance aux jeunes qui leur renvoient l’ascenseur. «Les ados sont malléables, si j’ose dire, on leur demande de faire quelque chose, ils nous nous suivent et ne se gênent pas, contrairement aux adultes. Si on croit en eux, il n’y a aucun problème. Ils sont capables de tout comprendre.»

Binôme gagnant

Au fil des années, les rôles respectifs de Renée et Stéphane dans la troupe se sont affûtés. Ils partagent la mise en scène et le travail avec les comédiens. Lui amène les idées dans le projet, notamment au niveau de la scénographie, et elle, plus terre à terre, les met en pratique. Elle s’occupe aussi des costumes et des maquillages tandis qu’il gère l’administration et les relations publiques.

Comme si ses missions n’étaient pas assez nombreuses, l’enseignante a également réécrit le texte de Comme il vous plaira. «Renée a une capacité de tout enregistrer, elle voit tout et connaît les rôles par cœur», observe son époux.

Ils ont ainsi monté durant toutes ces années des pièces qui incluent de nombreux comédiens avec de vrais rôles pour chacun. Impossible de jouer par exemple du Molière avec autant de monde. Mais d’autres auteurs permettent des mises en scène très vivantes où il se passe toujours quelque chose quelque part. Le spectateur n’a dès lors pas besoin de se focaliser tout le temps sur l’action.

A l’instar de cette dernière pièce, Comme il vous plaira, qui emmène le public parfois hors de l’histoire, dans une réflexion de groupe. «Il ne s’y passe rien, et à l’inverse il s’y passe tout», révèlent, enthousiastes, les metteurs en scène. C’est extraordinaire ce que peut produire la présence d’autant d’acteurs sur scène.» Le chant final réunit le chœur et les comédiens pour un total de cinquante participants. «A ce moment-là, l’émotion est à son comble.»
Nul doute que cette pièce saura inviter le COV à envisager son avenir en multicouleurs tout en achevant en beauté les folles aventures de la troupe éCOlisée. Les metteurs en scène Renée et Stéphane Simonet s’en iront quant à eux sur le chemin de St-Jacques-de-Compostelle cet été. Un projet cinéma devrait voir le jour à l’automne, auquel l’enseignant participera avec d’autres collègues.
Régine Gapany

Châtel-St-Denis, cour du CO de la Veveyse,
3,4,5,9,10 et 11 juin, à 20 h 30
(à l’Univers@lle en cas de mauvais temps).
Réservations: www.ecolisee.ch ou auprès de l’Office du tourisme

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