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Châtel-St-Denis

Paroles de confinés


CORONAVIRUS VEVEYSE/RÉGION D’ORON

Dans chaque édition durant cette crise, Le Messager donnera la parole à des confinés pour qu’ils racontent leur vie à l’intérieur de leur maison, de leur commerce, de leur EMS ou encore d’un centre de commandement.

Continuer, s’activer et rire un peu...

Je me connais assez bien, après plus de cinquante ans à me fréquenter. Si la situation actuelle est inédite par son ampleur et sa gravité, il m’est déjà arrivé de vivre des périodes où les obligations immédiates se relâchent, où la pression du temps sur mes activités quotidiennes perd son caractère impérieux et obligatoire. Je suis un rêveur-né. Je ne sais que trop bien que, si je commence à me lever plus tard, à m’octroyer trop de pauses, je vais bien vite me complaire dans une espèce de passivité contemplative. Elle me guette. Elle n’attend qu’un faux pas pour me manger tout cru, me laissant sans force ni courage le jour où il faudra s’y remettre pour de bon, avec en prime une sorte de dégoût de moi-même.

Mais elle ne m’aura pas, cette fois-ci. Le matin, il faut se tenir au courant des nouvelles directives relatives à notre branche, et ça change pour ainsi dire tous les jours. Ensuite, il faut résoudre les problèmes financiers. Remplir des formulaires, s’assurer de leur suivi, comprendre les aides auxquelles ont a droit et comment on peut les obtenir. C’est pour le moins fastidieux mais bien avant que j’en aie marre, une sourde rumeur m’ordonne de sortir de mon bureau.

Dans leur maison de verre, les bonsaïs appellent, supplient parfois. C’est qu’ils se foutent pas mal du «coronamachin», les arbres! Ils continuent à boire, à pousser, à produire des feuilles et des racines en pagaille. C’est leur moment, leur grande saison. Cycle immuable de la nature. Alors je taille, j’arrose, je rempote parfois, avec ma fille de 8 ans, et les journées passent vite. Mine de rien, tous les deux, on fait de la biologie, du calcul et on travaille la motricité fine.

L’expression m’amuse. Avant on disait: «oh, votre fille a colorié son dessin sans dépasser», et aujourd’hui «elle montre de belles aptitudes au niveau de la motricité fine». J’y pensais l’autre jour, alors qu’elle taillait son petit orme, et ça m’a fait du bien. Un grand penseur suisse allemand n’a-t-il pas dit: «Le rire, c’est bon pour la santé.» Et la santé, en ce moment...

Nicolas Kissling, spécialiste du bonsaï et écrivain, d’Oron-la-Ville


Gestion de crise et d’émotions…

A peine le rideau refermé sur une édition de la Fête des vignerons digne de tous les superlatifs, l’année 2020 s’annonçait sportive, car rythmée par de nombreux événements. Mais les dieux de l’Olympe en auraient-ils décidé autrement? Des majestueux couchers de soleil flamboyants, nous sommes passés en peu de temps à une sournoise et invisible menace dénommée Covid-19, un virus sans frontière.

A l’heure de la mondialisation, notre société contemporaine a été soudainement chamboulée dans ses fonctionnements, ses repères et même ses valeurs. En observant les conséquences primaires de ce phénomène, les réflexes ont été quasi reptiliens. Poussés par la crainte, voire la peur, tels des survivalistes, certains se sont rués sur un produit de première nécessité, le papier hygiénique, en «fauchant» au passage les masques de protection et les désinfectants utiles prioritairement aux soignants et intervenants exposés au front.

Fort heureusement, d’autres ont redécouvert les joies quotidiennes de l’éducation de leurs enfants en étant contraints de respecter une distance de mise dans les relations intergénérationnelles. Dans cette gestion de crise majeure, l’Association Sécurité Riviera, composée des services de police, d’ambulance, de défense contre l’incendie et de secours, ainsi que la protection civile et les entités transversales, s’est lancée dans un marathon à parcourir à la vitesse du sprint. Force d’intelligence collective, un état-major s’est rapidement mis à phosphorer pour soutenir le personnel, la population et les autorités régionales en collaborant étroitement avec les partenaires cantonaux placés sous l’égide de l’EMCC*. Afin de tenir dans la durée, selon le jargon opérationnel, des mesures particulières ont été prises en réorganisant certains modes de travail, puis en élaborant des plans de continuité et de renonciation. Même en veillant à réduire les risques de contamination, nous devons composer avec eux. En ces circonstances extraordinaires, j’estime important d’accompagner mon personnel en lui témoignant de la reconnaissance et du soutien.

En qualité de dirigeant, il me tient à cœur de saluer l’engagement et la solidarité de nos équipes; ces femmes et ces hommes qui sont exposés sur le terrain, ainsi que leurs proches pour la compréhension dont ils font preuve. J’ai également une pensée émue envers toutes les familles qui doivent vivre un deuil dans la stricte intimité, sans une étreinte ou un hommage de circonstance.

Enfin, fidèles à leur culture et aux valeurs «Liberté et Patrie», les autorités politiques vaudoises, comme les fribourgeoises et fédérales d’ailleurs, mettent tout en œuvre pour atténuer les effets collatéraux liés à la complexité de cette crise, notamment en termes d’enjeux de santé communautaire, de cohésion sociale et d’économie. N’oublions pas que l’ultime décision d’un confinement priverait toute la population de ce droit fondamental qu’est celui de la liberté!

Quelle chance d’être né dans ce pays et d’y vivre heureux!
Frédéric Pilloud, directeur de l’Association
Sécurité Riviera, de Châtel-St-Denis


«Qui est ce M. Corona?»

«Mais c’est qui ce M. Corona qui nous embête?» Ce cri du cœur venant d’une des résidentes illustre la prise de conscience que quelque chose n’est pas «normal». Depuis maintenant quelques semaines, le quotidien des vingt-quatre habitants de l’EMS du Flon est influencé par les mesures de l’Etat en lien avec le Covid-19, comme toute la population.

Moins de sorties et de visites, moins de courses au centre commercial d’à côté, masque pour tous les collaborateurs, affichage de panneaux d’informations un peu partout puis, plus récemment, interdiction de visites, arrêt des traitements de physiothérapie, des visites médicales et des rendez-vous chez des spécialistes non urgents, beaucoup de discussions lors des moments de partage sur l’avancée de la pandémie…

Tant de signes qu’il se passe quelque chose. La perception du danger est vécue différemment entre les résidents. Pour certains, la situation est pénible à vivre et pour d’autres, leur quotidien n’est que peu impacté par les mesures, si ce n’est tous ces soignants masqués qui impressionnent un peu! Cependant, la vie continue. Une résidente nous disait se considérer comme privilégiée, comparativement à l’une de ses cousines, isolée à la maison et dépendante de l’organisation extérieure pour tous ses besoins.

Pour les accompagnants, l’application des mesures pose moult questions… L’EMS doit-il être vu comme un lieu public où tout rassemblement doit être banni, où les tables de la salle à manger doivent être séparées, les fauteuils du salon écartés et les trajets réglementés afin de ne pas se retrouver à plusieurs dans l’ascenseur ou, au contraire, être considéré comme un lieu privé, une grande famille où les discussions, l’entraide, le club cinéma et les sorties au jardin doivent être maintenus?

Nous qui sommes guidés par la citation du professeur Jean Bernard, «il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie», devons maintenant créer, imaginer et proposer un «vivre ensemble» qui intègre ces nouvelles directives.

Anne-Dominique Micheli, directrice de l’EMS Le Flon à Oron-la-Ville


Unis, sur la distance…

L’élan de générosité et de solidarité en Veveyse, que j’évoquais dans ma dernière chronique, se vérifie pleinement et de manière très concrète depuis quelques jours. A la suite à la mobilisation exemplaire de nombreux bénévoles dans nos neuf communes, une plateforme informatique à l’échelle du district a été créée dans le but de coordonner les propositions d’aide et d’orienter de manière cohérente et structurée les demandes de citoyens sollicitant un soutien.

Par ailleurs, comme vous avez pu le lire récemment dans la presse régionale, le centre de consultation Covid-19 Veveyse, mis sur pied en moins de dix jours, est opérationnel depuis jeudi dernier dans les locaux de l’ancien hôpital de Châtel-St-Denis. Diverses expressions me viennent à l’esprit pour qualifier cette démarche qui me rend très fier de notre district: prouesse hors norme, pari fou et réussi, projet ambitieux et efficace, contribution médicale, logistique et financière de nombreuses entités publiques et privées, de nombreux professionnels et bénévoles poursuivant un seul but: le bien-être de nos habitants dans le cadre d’un système de santé performant.

Je tire aujourd’hui également un grand coup de chapeau au Réseau santé et social de la Veveyse, sa direction, ses chefs – cheffes de service, ses collaborateurs et collaboratrices ainsi que son comité directeur. J’y associe les dirigeants et l’ensemble du personnel des trois institutions que sont le Châtelet à Attalens, la Maison St-Joseph et la Belle Etoile à Châtel-St-Denis. Toutes et tous sont plus que jamais mobilisés pour soigner, ainsi que rassurer leurs patients et résidents, tout en veillant à une gestion efficace de la crise que nous vivons.

Sachez à ce propos qu’une cellule de conduite réunissant des représentants de ces institutions et la préfecture tient séance, quotidiennement, pour assurer un maximum de coordination et d’entraide dans l’organisation sanitaire de notre district. Enfin, je souhaite que vous ayez avec moi un sentiment de gratitude pour tous nos élus communaux et leur personnel. Etant en contact très régulier avec les syndics, je me rends compte de l’énorme engagement consenti dans les communes pour faire face à cette situation, en rendant la vie des administrés la moins pénible possible. Persuadé que vous êtes une nette majorité à en avoir pleine conscience, je vous invite simplement à leur dire un grand MERCI.

Restez prudents, gardez les distances et le sourire, et surtout portez-vous bien!

François Genoud, préfet de la Veveyse


Au cœur des soins intensifs

A l’heure où rien n’est plus comme avant, où le quotidien est bouleversé, tout le monde doit faire preuve d’adaptation afin de faire face à cette situation hors du commun. Au niveau professionnel, l’adaptation aura aussi été le maître-mot de ces dernières semaines. Après une première phase quasi irréaliste de préparation pour faire face à cet ennemi inconnu, le service des soins intensifs est maintenant entré dans le vif du sujet.

Les premiers malades sont arrivés, suivi par d’autres. On se rend rapidement compte qu’ils sont sévèrement atteints. Il faut adapter les traitements, suivre les recommandations qui évoluent au gré des découvertes. Des questions nouvelles, des défis organisationnels et techniques doivent, au jour le jour, trouver des réponses adaptées.

Mais là où ce virus a le plus d’impact au quotidien, c’est évidemment sur l’aspect humain. Le stress de se contaminer et la contrainte des équipements de protection rendent les conditions de travail plus pénibles. Notre effectif a quasi doublé, renforcé par l’équipe d’anesthésie et par des soignants venus d’horizon différents. Cela oblige nos collègues à travailler avec des personnes qu’ils ne connaissent pas.

Ajoutez à cela une planification des horaires transmises que quelques jours à l’avance afin de s’adapter à l’évolution de la situation et vous obtenez un contexte fort désécurisant. S’adapter, encore et toujours, sortir de sa zone de confort, ne plus pouvoir faire comme avant, accepter de dégrader certaines procédures… Le défi est de taille, mais il est largement relevé par nos soignants, impliqués et motivés.

Un aspect particulièrement difficile a accepter est le désarroi des familles, privées de visites et de contact avec leur proches malades. Nous faisons le maximum pour maintenir au mieux le lien avec eux, aidé parfois par la technologie pour leur permettre de voir qui s’occupe de leurs parents, mais cette distance est insupportable et nous le comprenons bien. Même dans les derniers moments, ce virus empêche de pouvoir faire son deuil dans de bonnes conditions. Ces instants, jamais faciles, deviennent dramatiques et le personnel y assiste impuissant, en offrant le peu que les mesures d’isolement permettent. Et pour des soignants qui placent l’humain au centre de leurs préoccupations, c’est certainement là que le virus fait le plus de mal.

Daniel Maillard, infirmier-chef aux soins intensifs de l’Hôpital fribourgeois, de Châtel-St-Denis

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