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Châtel-St-Denis

Pierre Monnard de retour au Sirius avec son dernier film

Le réalisateur châtelois Pierre Monnard propose, dans son dernier film, une plongée dans l’après Platzspitz à travers le regard de Mia (Luna Mwezi) et de sa maman Sandrine (Sarah Spale). ASCOT ELITE

FILM CHÂTEL-ST-DENIS/ZURICH

Le Platzspitz à Zurich, célèbre scène de la drogue fermée en 1992, renaît dans le dernier film du Châtelois Pierre Monnard Les enfants du Platzspitz.

Sorti mercredi en Suisse romande, le long métrage sera projeté dans la salle obscure de l’enfance du réalisateur: le Sirius.

Lors de son adolescence à Châtel-St-Denis, Pierre Monnard a été marqué par ce camarade, tombé dans la drogue et qui, un jour, n’est pas revenu du Platzspitz.

Si Pierre Monnard réside à Zurich depuis 2002, il n’a pas pour autant oublié le décor de son enfance à Châtel-St-Denis, où vivent toujours ses parents. Lorsqu’il faut poser pour le magazine d’un grand distributeur, il choisit donc naturellement le cinéma Sirius. D’ailleurs, ce lieu n’est pas étranger à la vocation du réalisateur de 44 ans (médaillon). Et lors des nombreux portraits et interviews que lui consacre la presse, ces dernières semaines, il n’oublie pas d’évoquer Châtel-St-Denis.

Naturellement, la tournée d’avantpremière de son dernier film Les enfants du Platzspitz – sorti en Suisse romande mercredi – passera par la salle obscure de son enfance, ce dimanche. Outre-Sarine, le long métrage a franchi la barre des 300 000 spectateurs. Il s’annonce comme l’un des plus grand succès en salle de l’année. La critique est également dithyrambique à son sujet: «l’interprétation bouleversante de la jeune Luna Mwezi» pour 24 heures ou encore «une justesse presque documentaire» pour la RTS.

«Il n’est jamais revenu»

Le film raconte cette époque (voir l’encadré) à travers le regard d’une petite fille dont la mère est toxicomane. Mia (Luna Mwezi) a 11 ans. Elle s’installe dans les années 1990 avec sa mère Sandrine (Sarah Spale) dans un village idyllique de l’Oberland. Mais Mia n’a pas une enfance comme les autres. Sa mère oscille entre période de sevrage d’héroïne et rechutes dramatiques.

Son film est l’adaptation du livre témoignage Platzspitzbaby, de la Zurichoise Michelle Halbheer, publié en 2013 et qui avait suscité beaucoup d’émotions en Suisse alémanique. L’ouvrage a récemment été traduit dans la langue de Molière. Dans les années 1990, Pierre Monnard était adolescent. «Je pense que tous les Suisses de ma génération ont un lien direct ou indirect avec le Platzspitz. Dans mon cas, l’un de mes camarades de Châtel-St-Denis est tombé dans la drogue et, un jour, n’est pas revenu de ses visites au Platzspitz.»

Lorsque Pierre Monnard découvre, lors de sa parution, l’autobiographie de Michelle Halbheer, il y voit la matière pour y consacrer un long métrage. Aussi étonnant que cela puisse paraître, jamais le cinéma de fiction ne s’était penché sur ce «pan sombre de l’histoire de notre pays», note-t-il. Le fait que les images du Platzspitz font partie de l’inconscient collectif suisse et que l’ouvrage de Michelle Halbheer est un best-seller en Suisse alémanique explique une partie du succès du film, selon le Châtelois.

A hauteur d’enfant

Son film ne se concentre cependant pas uniquement sur ces images sombres. Pierre Monnard a choisi de filmer, caméra à l’épaule, pour avoir un regard «subjectif», celui de Mia. «Cela apporte plus de légèreté et de poésie», note le réalisateur. Un aspect accentué au gré des apparitions de l’ami imaginaire qui réconforte Mia en lui chantant des chansons.

Là encore, offrir au spectateur le point de vue d’un enfant sur la drogue est rare au cinéma. Les enfants du Platzspitz prennent parfois les traits d’un documentaire. «Je voulais que celles et ceux qui ont vécu cette période puissent se reconnaître. Le film devait donc être crédible, ancré dans la réalité. J’avais un souci d’authenticité», poursuit-il.

Sa passion, Pierre Monnard l’assouvit, depuis 2002, en réalisant des courts métrages, des films publicitaires, des clips – notamment pour Calogero et Grand Corps Malade – des documentaires et des séries télé, comme Anomalia en 2016, coproduite par la RTS, et Wilder en 2018, produite par la SRF. Cette dernière est un véritable carton outre-Sarine. Le premier épisode de la deuxième saison, diffusé début janvier, a réuni près de 600 000 téléspectateurs, soit 36,9% de parts de marché. Une troisième saison est en préparation.

«Mon plaisir est de réaliser des films pour pouvoir les projeter au Sirius. Je dis cela sans ironie, déclare-t-il. Je suis ravi de voir que ce cinéma existe toujours, qu’il est dynamique et qu’il continue de trouver son public.» L’esprit de Pierre Monnard fourmille de projets. Il prépare actuellement une nouvelle série sur la crise agricole pour la SRF Neumatt. «Un thème qui m’intéresse particulièrement, car il y a beaucoup d’agriculteurs dans ma famille.» Il travaille également sur un documentaire qui s’intéresse à un pirate informatique qui veut fonder une micronation crypto-anarchiste au Tessin.

Son attachement à Châtel-St-Denis n’est pas feint. Il y revient souvent avec ses deux enfants. S’il a tourné une scène à la piscine de la ville pour Anomalia, Pierre Monnard rêve d’y réaliser une série ou un film entier. Il précise que ce ne sera pas tout de suite, mais il évoque le Röstigraben comme trame de fond de cette future production. La Veveyse pourrait donc un jour se voir tout en haut de l’affiche.
Valentin Jordil

Les enfants du Platzspitz de Pierre Monnard. Dimanche à 13 h 15, projection en présence du réalisateur au cinéma Sirius, à Châtel-St-Denis. Plus d’infos sur wwww.cinema-sirius.ch


Platzspitz, la scène ouverte de la drogue à Zurich

Le 5 février 1992, la scène ouverte de la drogue du Platzspitz à Zurich était évacuée et les toxicomanes sont renvoyés dans leurs communes d’origine. Chaque jour, jusqu’à 3000 toxicomanes suisses et étrangers venaient s’y approvisionner, principalement en héroïne. Le lieu, devenu «la Mecque européenne de la drogue», était à cette époque surnommé le Needle-Park (parc à aiguilles). Les toxicomanes s’y injectaient leur drogue en plein air, au milieu des détritus. Cette scène de la drogue, qui avait pris racine sur le Platzspitz au milieu des années 1980, était devenue insoutenable. En octobre 1991, le préfet PDC Bruno Graf prenait la décision de fermer le parc. Le municipal chargé de la sécurité, le socialiste Robert Neukomm avait tenté en vain de faire recours contre le décret. Il avait mis en garde contre une décision hâtive et irréfléchie. Et en effet, exécutée sans mesures d’accompagnement, l’opération était vouée à l’échec. Les toxicomanes s’étaient relocalisés autour de la gare désaffectée du Letten, non loin du Platzspitz. La nouvelle scène était tout aussi importante et encore plus violente. VJ

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