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Châtel-St-Denis

«Si le ménage n’est pas fait et la potée pas cuite, je ne sais pas écrire»

Marie-Claire Dewarrat signe un nouveau roman aux Editions de l’Aire avec Couchers de soleils. VJ

LITTÉRATURE CHÂTEL-ST-DENIS

Après Mémoires vives en 2007, Marie-Claire Dewarrat frotte une nouvelle fois sa plume au crépuscule de la vie et au monde des EMS, mais dans un autre registre. Avec son dernier ouvrage, Couchers de soleils, la Châteloise renoue avec le format de ses débuts: la nouvelle et avec les Editions de l’Aire. Rencontre.

Trois nouvelles. Trois hommes. Un zeste de fantaisie. La fin de vie en EMS comme trame de fond. Dans son dernier livre Couchers de soleils, paru en novembre dernier aux Editions de l’Aire, Marie-Claire Dewarrat, de Châtel-St-Denis, livre un regard interrogatif et parfois décalé sur les établissements médicosociaux. La Châteloise imagine les derniers instants d’Ernest «qui entre en EMS dans l’indifférence générale», de Maurice, en couple avec Stanley, et de Siegfried, robot interactif humanoïde, qui subit une vive rébellion au sein de son home.

«Je suis en contact quotidien avec le milieu du grand âge (son mari vit depuis douze ans à la Maison St-Joseph, n.d.l.r.). Et j’ai suivi la fin de vie en EMS de ma grand-mère, de ma mère et de ma bellemère. Ça me paraissait logique d’utiliser l’écriture pour épancher tous mes questionnements. «L’âge avançant, on est obligé de se confronter à ce qui nous attend. Ces réflexions viennent de ça. Si on est très jeune, on va parler de plein de possibilités d’avenir. Pour moi, l’avenir se rétrécit un petit peu.»

La dualité en EMS

Pour Marie-Claire Dewarrat, 70 ans, les trois personnages ne sont que des «prétextes» pour aborder plusieurs situations, comme le couple en EMS. «La conjugalité est complètement occultée dans les EMS, estime-t-elle. Je me réjouis d’y voir un couple homosexuel afin d’observer la manière, dont la situation sera abordée.» Elle reconnaît être «d’abord partie dans tous les sens». De ce côté fantaisiste, il est resté le palace dans lequel Maurice et son amant déambulent à la poursuite de chats imaginaires, ainsi que la «boîte à vieux», qui fonctionne comme une boîte à bébés.

Dans Mémoires vives, en 2007, Marie-Claire Dewarrat se frottait déjà au sujet des homes, en mettant en mots les récits de neuf résidents de la Maison St-Joseph. «Les EMS sont nécessaires à la fin de vie, parce que la société ne permet plus aux familles de s’occuper de leurs aînés. Il faut bien accepter cet environnement hospitalier et très formaté, observe-t-elle. Si les personnes ne sont pas totalement libres dans leur tête, il peut faire des dégâts remarquables. Les gens n’y vont plus. Ils ont peur de se confronter à cet univers, car c’est leur futur. Alors moins on y pense, moins on y va, mieux on se porte.»

Un format de nouvelles – comme L’été sauvage avec lequel elle faisait une entrée remarquée dans le monde littéraire en 1985 – le choix des Editions de l’Aire, après une «petite incursion» aux Editions de l’Hèbe, Couchers de soleils est un retour aux sources pour Marie-Claire Dewarrat, Prix Dentan en 1988 pour Carême repris en poche par Actes Sud. «J’ai commencé par les nouvelles, je finis par là. Ça vient aussi du fait que j’ai très peu de temps pour écrire. Ecrire un gros pavé, bien dodu, qui ferait peur à tout le monde, très peu pour moi.»

Trois ans environ, c’est le temps entre chaque parution de Marie-Claire Dewarrat, qui fut gérante du cinéma Sirius pendant une décennie. «C’est une écriture lente par obligation. Je ne sais pas mettre l’écriture en premier. Si le ménage n’est pas fait et la potée pas cuite, je ne sais pas écrire (rires)», déclare l’écrivain. Au terme écrivaine, elle préfère en effet celui d’écrivain. «J’ai beaucoup milité, étant jeune, pour le droit à la pilule, à l’avortement. Maintenant que ces choses importantes sont acquises, les féministes se perdent dans le langage épicène sans faire avancer d’un pouce l’égalité des salaires.»

Ce n’est pas un hasard si dans Couchers de soleils, Marie-Claire Dewarrat raconte la fin de vie de trois hommes: «Quand j’écris, j’aime bien me mouvoir dans l’univers masculin. Je m’arrange bien avec les hommes dans ma vie. Les rapports sont plus directs et francs.» Elle déclare ne ressentir aucun stress lors de la sortie en librairie d’un nouveau livre, moment qu’elle considère même comme une «certaine routine»: «Je ne pense pas que, un jour, on criera au miracle parce qu’il y a la sortie d’un Marie-Claire Dewarrat (éclat de rire).» Celle qui a dû se mettre à l’informatique pour rédiger ses manuscrits planche déjà sur son prochain ouvrage. Un livre qui parlera d’autres livres…

Valentin Jordil

Couchers de soleils: Ernest, Maurice, Siegfried, Ed. de l’Aire, 203 pages, novembre 2019

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