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Culture

«J’ai donné quarante ans de ma vie pour la culture et les artistes»

Michel Caspary, directeur du Théâtre du Jorat durant douze ans, quitte la Grange sublime à la fin du mois. Sereinement. DR

MÉZIÈRES

Michel Caspary vit ses derniers jours à la tête du Théâtre du Jorat. Douze ans après son arrivée, il tirera sa révérence à la fin du mois. Avec le sentiment et la fierté du devoir accompli.

Il y a des moments dans la vie qui restent à jamais gravés dans la mémoire. Michel Caspary n’échappe pas à cette règle. L’ancien responsable de la rubrique culturelle du 24 heures a notamment interviewé Yves Montand, Miles Davis, Richard Gere ou encore Céline Dion. Au Théâtre du Jorat, il a arrêté de compter le nombre de rencontres insolites. «Si j’énumérais mes douze ans en tant que directeur, nous ne finirions pas cette interview.»

A la fin du mois, une page va se tourner pour la Grange sublime. Michel Caspary prendra une retraite anticipée «bien méritée». «C’est le bon moment pour moi de tirer ma révérence. J’y pensais depuis un moment. Puis, après mûre réflexion, j’ai choisi de partir en même temps que Florence Boldrini, l’administratrice du théâtre. Elle a été mon amie durant toutes ces années, la symbolique est magnifique.»

Journaliste émérite

En jetant un regard en arrière, rien ne destinait le jeune Michel Caspary à une carrière culturelle aussi intense et retentissante. Depuis ses neuf ans, il se rêvait journaliste, mais a vécu une adolescence compliquée. Alors qu’il enchaînait les petits boulots, il a effectué un stage professionnel comme journaliste libre.

Il y a trente-cinq ans, il intègre la rédaction du 24 heures. A cette époque, les touches des machines à écrire résonnaient dans les bureaux, le quotidien était tiré à 100 000 exemplaires et comptait près de 100 pages par édition. Même s’il était le «petit nouveau», les responsables lui faisaient confiance. «J’avais assisté à la première de Starmania à Paris ou encore au concert des Pink Floyd à Londres.» Plus à l’aise dans la rédaction des portraits que des communiqués, il aime se souvenir des péripéties de sa rencontre avec Yves Montand. «J’avais obtenu une interview exclusive de sa part. Il m’avait donné rendez-vous dans la Ville lumière et il m’attendait en robe de chambre. Durant deux heures, nous avions abordé tous les sujets possibles et imaginables.»

Il évoque également les yeux ébène du musicien Miles Davis, pourtant connu pour toujours garder ses lunettes de soleil. «Le plus impressionnant fut Richard Gere, au Musée de l ’Elysée. Il dégageait un magnétisme impressionnant, je n’ai jamais retrouvé cela chez quelqu’un d’autre.»

Opportunité saisie au vol

L’homme aujourd’hui âgé de 63 ans a vécu une fin abrupte au 24 heures. La succession de son poste ne s’est pas déroulée comme il l’espérait. Après avoir rédigé pour la première fois de sa vie un curriculum vitae, il postule sans succès au Théâtre de Beausobre. Une opportunité va changer la suite de sa vie professionnelle.

«J’avais appris, au cours d’un téléphone, que le Théâtre du Jorat cherchait un directeur, relate Michel Caspary. Comme je connaissais le lieu et son histoire depuis 1978, j’ai choisi de postuler. Après quatre auditions, j’ai décroché le poste.» A 52 ans, il devient le nouveau directeur de la Grange sublime, à l’âge où son père perdait son dernier travail.

Sans round d’observation, il a obtenu les clefs du lieu culturel. «C’était une charge énorme! Il faut se rendre compte qu’auparavant, la salle pouvait accueillir tout Mézières.»

Tous les genres traités

Durant ses douze ans à la tête du Théâtre du Jorat, le futur retraité a beaucoup apprécié l’aspect pluridisciplinaire de son poste. «Même si mon cahier des charges n’a pas beaucoup évolué durant cette période, je n’ai jamais eu l’impression de faire deux fois la même chose.» Humour, danse, musique classique, chant, etc. Aucun style n’est mis de côté.

«Après autant d’années, je peux me regarder dans la glace et me dire que je suis fier de ce que j’ai accompli. Près de 95% des spectacles programmés étaient suisses. De plus, je laisse un théâtre en bonne santé financière. Donc, je peux dire que les bilans artistique et économique sont bons.» A l’aube de sa retraite anticipée, Michel Caspary ne peut empêcher les émotions de surgir. Cela fait d’ailleurs depuis quelque temps que ça dure. «J’essaie de profiter de chaque jour qu’il me reste ici, même si je sais que je partirai l’esprit libre. J’ai donné quarante ans de ma vie pour la culture et les artistes. Que puis-je dire à part un grand waouh?»

Serein avant son départ

Désormais, il estime que le projet de 9,7 millions de francs concernant la Grange sublime est entre de bonnes mains avec les deux nouvelles directrices: la comédienne de théâtre et metteure en scène Ariane Moret et la responsable de communication et de presse Nathalie Langlois. «Ce sont deux belles personnes qui sauront imposer leur patte tout en respectant les valeurs et traditions chères à la salle de Mézières.»

Au soir du 31 mars, Michel Caspary va profiter de sa soirée avant d’être officiellement retraité. Plusieurs projets trot tent déjà dans sa tête. Mais l ’un d’entre eux lui tient à cœur: assister à tous les spectacles de l’année du Théâtre du Jorat. Histoire de boucler la boucle. Sereinement.
Maxime Schweizer


Les coups de cœur de Michel Caspary

Michel Caspary, directeur du Théâtre du Jorat jusqu’au 31 mars, craignait la question de ses coups de cœur. Il confie, au téléphone, qu’il s’y était préparé et qu’il avait noté les spectacles marquants. «Puisqu’il faut choisir parmi quelque 200 productions à la Grange sublime depuis douze ans, voici une liste non exhaustive.»

La petite fille aux allumettes, spectacle de Noël exceptionnel en 2011 mis en scène de Gérard Demierre.

Le concert de la chanteuse Camille en 2012.

Le gros, la vache et le mainate, comédie cochonne de Pierre Guillois en 2012.

Joseph Gorgoni, de A jusqu’à Zouc, 2014, en solo pour la première fois sous son nom, et pas Marie-Thérèse Porchet.

Ciné-concert studios Pixar 2015, avec le Sinfonietta de Lausanne.

En avant, marche! d’Alain Platel, avec la fanfare Concordia (Fribourg), 2015.

Fractus V, chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui, 2016. Le Cid, Corneille, mise en scène d’Yves Beaunesne, 2018.

Au nom de la voix, Requiem de Brahms, dirigé par Daniel Reuss, et le Requiem de Mozart, dirigé par Michel Corboz et tous deux interprétés par l’Ensemble vocal de Lausanne.

La lutte finale, 2018, des chants de l’utopie et révolutionnaires, avec trois chœurs, un groupe de rock et de la vidéo documentaire en live, un spectacle conçu par Pierre-Yves Borgeaud et Dominique Tille.

La Traviata, de Verdi, par le Théâtre des Bouffes du Nord (Paris), avec la comédienne et chanteuse Judith Chemla, 2019.

Le concert en solo du chanteur Jean-Louis Aubert (ex-Téléphone), 2019.

Les clochards célestes, cabaret Rebetiko, en 2021, par le Boulouris, Francesco Biamonte et Benjamin Knobil.

Les 100 ans du Roi David, d’Arthur Honegger, créé au Jorat en 1921, et on fêtait en même temps les 40 ans de l’orchestre du Sinfonietta de Lausanne et les 60 ans de l’Ensemble vocal de Lausanne (EVL). MS

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