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Des habitants redoutent de voir leur village se transformer en «Ecône vaudoise»

La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X avait lancé, en décembre dernier, un appel aux dons pour créer un «prieuré-école» à Essertes. Lausanne.fsspx.ch/capture d’écran

L’antenne vaudoise de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X envisage de s’installer à Essertes. A l’enquête jusqu’au 6 octobre, la transformation d’une importante ferme d’Essertes en un «prieuré-école» ne laisse pas indifférents les riverains. Certains habitants craignent que leur village ne devienne un symbole comme la commune d’Ecône en Valais.

AEssertes, 374 habitants, les mots «Fraternité Saint-Pie X» et «Ecône» sont au bout de toutes les lèvres, ou presque, depuis trois semaines. En cause, un avis d’enquête, publié dans la Feuille des avis officiels du 6 septembre, concernant la «transformation d’un bâtiment», la «création d’une école privée», la «construction d’un couvert à voitures et aménagement de douze places de parc» à la rue du Village. Derrière cette mise à l’enquête se trouve l’Association de fidélité chrétienne, qui n’est autre que l’antenne vaudoise de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (lire encadré).

Un tract, distribué la semaine passée par des habitants, interpelle: «La population d’Essertes est-elle d’accord pour accueillir une telle Eglise et devenir ainsi “l’Ecône vaudoise” (en référence à la commune valaisanne qui abrite, depuis 1971, le premier séminaire de la Fraternité Saint-Pie X, n.d.l.r.)?» Un riverain direct, qui préfère garder l’anonymat, témoigne: «Quand nous avons appris qui étaient les nouveaux propriétaires, nous avons rapidement pris les choses en main pour informer Essertes avec un flyer et en faisant du porte-à-porte.»

Plusieurs inquiétudes

Accompagné par une vingtaine de citoyens, ce voisin direct estime que «beaucoup de questions sont sans réponse»: «Que va-t-il concrètement se passer dans ces locaux?» Les riverains s’opposent au «changement d’affectation du bâtiment au cœur du village» ou encore au «nombre d’ouvertures qui dénaturent» la ferme. Ils estiment également que les places de stationnement ne sont pas «suffisamment grandes à Essertes pour accueillir jusqu’à 300 visiteurs».

«Nous sommes venus à Essertes pour le calme, explique-t-il. Ce projet va potentiellement changer notre vie et celle de cette petite commune.» Selon Le Temps de samedi dernier, la ferme a été cédée en octobre 2018 pour un prix «entre deux et trois millions de francs». En décembre dernier, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X a lancé, en ligne, un appel aux dons (photo) afin d’établir à Essertes «un prieuré de plusieurs prêtres, une école d’une capacité de 50-60 élèves et une petite communauté de religieuses enseignantes».

Un appel aux dons

L’appel semble avoir été fructueux, puisqu’il a permis la mise en route du projet. «Le 10 mai dernier, M. l’abbé Schreiber (supérieur du district de Suisse, n.d.l.r.) a lancé un appel à promesse de dons et prêts sans intérêt pour évaluer nos capacités financières et la possibilité de poursuivre le projet de prieuré-école dans le canton de Vaud, écrit l’abbé Jean de Loÿe, responsable lausannois de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. La disponibilité des prêtres et l’enseignement catholique sont effectivement les clés pour l’enracinement et le rayonnement de la tradition catholique dans le canton de Vaud.»
Le sujet s’est même invité, samedi dernier, lors de la présentation publique de la convention de fusion entre les communes d’Oron et d’Essertes (lire en page 3). Alors que le syndic d’Oron Philippe Modoux allait lever la séance publique, un habitant d’Esser tes, flyer à la main, a interpellé son syndic René Delessert. Si, dans un premier temps, il n’a pas voulu s’exprimer, estimant qu’il ne s’agissait «ni du lieu ni du moment» pour en parler, il a finalement dit quelques mots.

Réaction communale attendue

En préambule, il a rappelé que le canton de Vaud était «très permissif» concernant les écoles privées par rapport à d’autres cantons. Il a aussi fait remarquer que le rassemblement de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X «n’était pas interdit par la loi». Pour finir, il a assuré qu’il souhaitait informer les habitants sur l’avancée de ce dossier et que la commune allait s’adjoindre les services d’un homme de loi «pour savoir où on met les pieds». Le syndic a ensuite donné la parole à Laurent Conne, municipal chargé de la police des constructions et vice-syndic.

L’élu a rappelé que la ferme en question se situait en zone village et non en zone agricole, ce qui répondait aux interrogations de certains habitants qui se demandaient comment il était possible de créer autant d’ouvertures à une ferme. Il a conclu en déclarant que la commune se devait de gérer ce dossier «comme celui de quelqu’un d’autre». Au vu des nombreuses sollicitations médiatiques, le syndic a invité aujourd’hui la presse pour évoquer ce dossier. Le Messager ne manquera pas d’en donner un reflet dans sa prochaine édition. Le groupe d’habitants envisage de se constituer en association et de déposer des oppositions collectives et individuelles jusqu’au 6 octobre, date de la fin de la mise à l’enquête.
Valentin Jordil


La Fraternité Saint-Pie X controversée

Fondée à Fribourg en 1970, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X s’est donné pour mission de former «de bons prêtres et la sanctification des prêtres», comme elle écrit sur son site internet. Son fondateur, l’évêque français Marcel Lefebvre (1905 – 1991), contestait notamment l’abandon de l’ancienne liturgie en latin et la reconnaissance de la liberté de conscience en matière de religion, entérinés par le Concile Vatican II (1962-1965). La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X commence à former des ecclésiastiques en 1969 – ils seraient aujourd’hui 600 dans le monde à être affiliés à la fraternité – avant d’installer son séminaire en Valais, à Ecône, en 1971. En 1988, les tensions avec le Vatican ont alors atteint leur apogée. La raison? Mgr Lefebvre a ordonné quatre évêques sans en référer à Rome. Il en a résulté un schisme qui perdure encore maintenant, même si certaines communautés proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ont choisi de retourner dans l’Eglise catholique. En Suisse romande, elle possède des écoles privées à Riddes (VS), à Onex (GE) et à Villars-Tiercelin (VD), qui fermera pour faire place à celles d’Essertes (lire ci-contre). VJ

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