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L’arrivée d’une école privée divise

La bâtisse en question, située à la rue du Village à Essertes, serait rénovée pour accueillir une école primaire privée d’une trentaine d’élèves. CM

ENSEIGNEMENT RELIGIEUX ESSERTES

A Essertes, un projet d’école privée, un «prieuré-école» de la Fraternité Saint-Pie X, suscite une levée de boucliers. Son envergure est jugée démesurée par les opposants, qui redoutent l’arrivée de nuisances, notamment sonores. Explications.

Une mise à l’enquête, publiée dans la Feuille des avis officiels du 6 septembre dernier, suscite de vives réactions à Essertes. Elle concerne la rénovation d’une ferme, située aux abords de la route principale (rue du Village) et sa transformation en une école religieuse, ou «prieuréécole». En fait, il s’agit d’un projet de la Fraternité Saint-Pie X, basée à Rickenbach (Soleure) possédant des antennes – des écoles privées – à Riddes (VS), à Onex (GE) et à Villars-Tiercelin (VD) (voir Le Messager de vendredi dernier).

Samedi dernier, un groupe d’habitants d’Essertes a créé une association, intitulée «L’association pour le maintien et l’identité d’Essertes et de sa qualité de vie». Si celle-ci n’est pas formellement opposée à l’installation d’une école religieuse sur le territoire de la commune, elle ne voit pas d’un bon œil le changement d’affectation du bâtiment situé au centre du village et craint que l’arrivée de l’établissement amène avec lui quelques perturbations.

L’OPPOSITION
L’un des membres à l’origine de l’association est Fabrice Anselmo. Le logisticien de 43 ans remet en cause «l’envergure du projet»: «Nous sommes un village d’environ 350, 380 habitants. Selon les plans consultés, il s’agit tout de même d’une bâtisse de 1700 m2, avec, potentiellement, une capacité d’accueil de 300 personnes! C’est trop pour Essertes. Cela implique beaucoup de nuisances, notamment sonores, lors du dépôt des enfants à l’école.»

Selon lui, «faire venir autant de personnes, pour un petit village tranquille et paisible, cela ne se fera pas sans incidents.» L’association a tout d’abord distribué un tract à toute la population. «Samedi, nous avons fait du porte à porte afin d’informer les habitants, affirme Fabrice Anselmo. C’est là que nous avons créé l’association qui, en une seule journée, compte désormais 80 personnes environ.»

Communication pointée du doigt

Son grief principal se situe au niveau de la communication de la part de la commune. «Nous sommes frustrés, parce que nous n’avons pas l’impression que la commune soit neutre dans ce dossier. Nous pensons qu’ils sont favorables à ce projet. D’ailleurs, chez les habitants, je n’ai trouvé personne qui y était favorable. Que la commune propose d’organiser une séance d’information publique une fois la durée de la mise à l’enquête terminée, pour ceux qui s’y opposent, c’est trop tard. J’aurais souhaité qu’elle communique davantage, en toute transparence.»

Selon lui, les appréhensions des habitants sont dues à de nombreuses interrogations: «Nous ne savons pas exactement comment la dépose des enfants va avoir lieu, ni quand. Il y beaucoup de points encore flous, par exemple, qu’est-ce qui va concrètement être mis en place dans l’école? Et les week-ends? Le coût de l’entreprise aussi n’est pas clair.»

LA FRATERNITÉ

S’exprimant au nom de la Fraternité St-Pie X, l’abbé Pascal Schreiber, supérieur de district en Suisse, donne quelques élé- ments de réponse: «Nous voulons y faire une école primaire. Nos écoles privées ne sont pas très différentes de l’enseignement public. Le même programme scolaire est suivi. Seulement, nous avons, en plus, un enseignement religieux: du catéchisme et l’étude de la Bible. Nous essayons de pratiquer les vertus chrétiennes.»

Il indique que l’école d’Essertes accueillera dans un premier temps 25 élèves. «Par la suite, nous espérons pouvoir augmenter légèrement ce nombre. Peut-être en avoir 30, et si possibe, après quelques années, nous pourrions envisager d’en compter 40.»

Enfants et bruit vont de pair

Pour lui, c’est «normal» qu’il y ait du bruit là où se trouvent des enfants. «Mais ils n’habiteront pas là. Et l’espace prévu pour la récréation se trouve de l’autre côté du bâtiment, donnant sur les prairies, et non côté route. Je ne pense pas qu’une trentaine d’élèves puissent générer un bruit très gênant. Si quelqu’un est allergique au bruit, il en sera impacté partout, cela peut arriver quel que soit le quartier.»

L’abbé Pascal Schreiber indique que le coût du projet, comprenant l’acquisition de la ferme et sa rénovation en école, se situe entre 4 et 5 millions de francs. Vis-à-vis de l’installation de l’établissement à Essertes, il se dit «confiant»: «Nous avons suivi la procédure normale et avons respecté la législation.»

LE DIRECTEUR

Contacté, Philippe Heller, le directeur de l’école Notre-Dame des Champs à Villars-Tiercelin, indique que son établissement n’a jamais posé de problèmes à qui que ce soit et n’a jamais fait l’objet de plaintes. «Nous entretenons d’excellentes relations avec les autorités communales», affirme-t-il. A l’heure actuelle, son école compte 25 élèves.

Son établissement, Philippe Heller l’a lui-même fondé, en 2010, avec quelques amis. «Nous voulions créer une école catholique, relate-t-il. Seulement, elle est devenue de plus en plus grande au fil des années. Conscient de nos limites et pour assurer sa pérennité, nous avons décidé de la remettre à une congrégation de sœurs enseignantes, les sœurs dominicaines. Pour garantir leur logement et permettre un développement ultérieur, un déménagement vers Essertes est devenu nécessaire.» Outre ces aspects pratiques, le lien avec la Fraternité Saint-Pie X se fait, selon lui, au niveau du «rite tridentin». Autrement dit les messes données en latin, qui sont à l’origine du différend entre le Vatican et la Fraternité.

LA COMMUNE

Laurent Conne, en charge de la police des constructions à Essertes, assure que la Municipalité a «traité ce dossier au même titre qu’un autre.» Selon lui, si une séance d’information publique avait été organisée durant le délai de la mise à l’enquête, cela aurait été «discriminatoire» envers la Fraternité Saint-Pie X. «Il faut bien se rendre compte que la période de la mise à l’enquête sert justement à cela, souligne-t-il. Si un projet suscite des interrogations ou des craintes, c’est à ce moment-là qu’il faut réagir et déposer des oppositions.» Il estime qu’organiser une séance d’informations en amont aurait été contreproductif, car cela aurait donné une ampleur exagérée au projet en attisant des craintes encore plus grandes. «Nous ne l’avons jamais fait auparavant et n’allions pas le faire pour ce dossier.»

«Pas un internat»

D’après lui, le déménagement de l’école de Villars-Tiercelin à Essertes permettrait aux sœurs enseignantes d’être logées sur place, tout comme quatre hommes d’église, qui s’installeraient dans l’appartement existant dans la ferme. Quant à la gêne occasionnée par l’école, il pense que les inquiétudes sont démesurées: «Il y a 8000 véhicules qui passent quotidiennement dans notre village. Là, nous parlons d’une trentaine de voitures. Elles déposeraient des enfants le matin et viendraient les chercher le soir, parce qu’il ne s’agit pas d’un internat, contrairement à ce que nous avons pu entendre.»

Concernant les 300 personnes potentielles dans l’établissement, il tient à clarifier les choses: «Ce chiffre est issu du rapport de risque d’incendie. Ce sont des normes. Mais il ne représente pas du tout le nombre de personnes prévues dans ces locaux. Il s’agit simplement d’un seuil maximal, au niveau sécuritaire. Ce n’est pas du tout ce qui est envisagé par les propriétaires, qui n’ont pas non plus l’intention de donner des messes les dimanches et les jours fériés.»

Pour lui, les prochaines étapes de ce dossier sont claires: «Nous allons attendre les oppositions et les traiter, comme cela se fait d’habitude. La commune sera totalement neutre et les analysera toutes. Il se peut que des ajustements voient alors le jour.» Enfin, concernant la séance d’information «post-mise à l’enquête», jugée trop tardive par les opposants, Laurent Conne rétorque: «Ce ne sera pas trop tard, parce que les membres de l’association auront pu faire valoir leurs droits, exprimer leurs inquiétudes et adresser leurs requêtes à la Municipalité. Encore une fois, les oppositions seront traitées de manière pragmatique, sans aucun parti pris et en toute neutralité.»


Christian Marmy

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