Logo

L’improbable vie de château de Francisco Galiana

Francisco Galiana, le gardien du château d’Oron, assure l’entretien de la bâtisse du XIIe siècle depuis bientôt quatre ans. RÉGINE GAPANY

Une particularité du château d’Oron est qu’il accueille au sein de ses remparts la loge de son gardien. Francisco Galiana occupe cette fonction depuis bientôt quatre ans et ne cesse de s’émerveiller.

Francisco Galiana s’est vu remettre l’imposant trousseau de clés du château d’Oron il y a trois ans et demi. Depuis, le gardien vit dans le petit appartement attenant avec Véronique Cuénoud, sa compagne. Son cahier des charges consiste à prendre soin du lieu, un emploi du temps qu’il partage avec son activité de maçon indépendant à 50%. La bâtisse, érigée au XIIe siècle, a accueilli avant lui les barons d’Oron, les comtes de Gruyère, les baillis de Berne et deux familles bourgeoises au XIXe siècle. L’Association pour la conservation du château, propriétaire depuis 1936, s’active afin d’attirer les visiteurs sur ce patrimoine et d’en assurer la restauration.

Les appartements sont ouverts au public les samedis et dimanches d’avril à septembre et des expositions temporaires sont organisées. Les salles de réception peuvent être louées toute l’année pour des mariages, des séminaires et on y organise même des soirées meurtres et mystères.

Quand le gardien prend des vacances et s’en va rendre visite à ses parents retournés en Espagne, André Locher, le président du comité, ou Karin Messina, du secrétariat, assure le relais. «Nous sommes vraiment une belle équipe», s’exclame l’homme de 53 ans.

Pas tout seul

En 2017, l’ancien gardien prévoyait de partir à la retraite. Séverin Bez, le trésorier de l’Association qui travaillait alors avec l’épouse de Francisco Galiana, pense à lui. «En tant que maçon indépendant, amoureux des pierres et attiré par les monuments historiques, je correspondais au profil», explique l’heureux élu. «Nous n’avons pas réfléchi longtemps, c’est une proposition qui ne se refuse pas!» Durant un an, il accompagne son prédécesseur à l’occasion des manifestations et se familiarise avec les nombreux dédales et salles du château. Les appartements meublés d’époque et la bibliothèque riche de 20000 livres anciens succèdent aux tourelles et nombreuses niches secrètes.

Les salles du rez-de-chaussée accueillent les manifestations, comme les cérémonies de mariage qui se déroulent dans les anciennes écuries ou la boulangerie et ses deux fours à pain, la salle des gardes, sa préférée, et la cour intérieur surplombée par la verrière, «un vrai casse-tête à nettoyer».
«J’ai mes repères ici, mais il m’a fallu du temps pour me sentir totalement à l’aise dans le château. Au début, je marchais jusqu’à douze kilomètres par jour, maintenant je suis mieux organisé, j’ai laissé du matériel un peu partout.»
Il est probable de le croiser lors d’une visite en train de boucher des trous avec des grillages à l’étage, afin d’empêcher les pigeons qui nichent alentour de faire des dégâts. De nombreux oiseaux entourent en effet la demeure, pour son plus grand plaisir. Mais ils provoquent aussi des nuisances, déplore-t-il. «Comme lorsque l’un des deux faucons s’était introduit dans les appartements et avait déclenché l’alarme.» Il lui arrive aussi de parler aux fantômes, et notamment à la dame verte, qui hanterait les lieux. Un jour, Francisco Galiana a senti des frissons dans l’ancien sellier, la salle la plus sombre alors qu’il passait l’aspirateur. «Je lui ai demandé de me laisser travailler», poursuit-il en riant.

Les personnes que le gardien croise le plus fréquemment cependant, outre les visiteurs des expositions accueillis par la réception, sont les mariés, leurs convives et les participants de séminaire. «J’ai un rôle social à jouer, il n’est pas rare que je doive rassurer des futurs époux angoissés. Je lâche alors l’échelle que j’ai en main pour m’occuper d’eux». Quand ces derniers quittent les lieux à 4 h du matin, Francisco Galiana et sa femme ne les entendent pas et dorment déjà, dans leur loge historique rénovée, à l’entrée du château.

Un lieu de vie à la campagne

Le couple a emménagé finalement en 2019, la passation accomplie et les travaux de rénovation de l’appartement terminés. Le gardien se plaît à reconnaître sa demeure actuelle sur les anciennes peintures de paysage accrochées dans la chambre de l’artiste Alice Paquelier-Gaiffe qui vécut au château jusqu’en 1936. Sur une aquarelle, par exemple, se trouvaient deux bassins à la place de l’unique d’aujourd’hui, où nagent désormais 30 poissons rouges. Après avoir grandi à la vallée de Joux, Francisco Galiana retrouve ici la forêt de son enfance. Derrière les remparts à côté des vignes, il a installé avec sa femme un poulailler, un potager et des arbres fruitiers. «Cela contraste avec l’appartement où nous habitions à Pully.»

Mais le maçon voue surtout un réel culte aux cailloux. «Je suis amoureux des pierres, j’en ramasse un peu partout.» Il n’apprécie d’ailleurs pas spécialement les graffitis (certains pourtant très anciens) qui se trouvent dans le château. Grossièrement écrits au crayon gris ou gravés au clou.

Il préfère savourer les ciels changeants et les vues qui s’offrent à lui depuis les fenêtres des tourelles. «Je crois voir parfois une maquette de train, avec les InterCity qui traversent la campagne.»

Son emploi du temps cependant n’est pas lié aux saisons et se révèle plutôt régulier, si ce n’est peut-être la charge supplémentaire de travail à l’automne, quand le platane, vieux de plus de 200 ans d’après ses estimations, perd ses feuilles.

Ou durant la saison des mariages. «Les gens rattrapent les fêtes reportées à cause du Covid-19, nous sommes quasiment complets chaque week-end», observe Francisco Galiana. Durant le confinement, le gardien en a profité pour refaire le chemin d’accès à la demeure que fouleront encore de nombreux visiteurs et futurs mariés. Régine Gapany

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus