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«Modifier les habitudes, c’est aussi prendre des risques»

Martine Ruggli-Ducrot: «La pharmacie se trouve être un bon endroit pour se faire vacciner. Elle est facile d’accès et elle permet un bon suivi des patients.» PHARMASUISSE

SANTÉ CHÂTEL-ST-DENIS

Depuis le début de l’année, Martine Ruggli-Ducrot occupe le poste de présidente de pharmaSuisse. A la t�te de 6700 membres et 1500 pharmacies, la Ch�teloise domiciliée à Saint-Prex a pour objectif de développer la collaboration entre les médecins et les pharmaciens.

Martine Ruggli-Ducrot est une pionnière. Depuis le 1er janvier, elle est devenue la première femme à occuper le poste de présidente de pharmaSuisse, la Société suisse des pharmaciens. Une association qui regroupe près de 7000 membres dans tout le pays. Mais, plus que son genre, c’est son projet qui lui a permis en fin d’année dernière de séduire ses électeurs face au président sortant.

Aujourd’hui citoyenne de Saint-Prex, la Ch�teloise souhaite mettre en exergue la connaissance des médicaments des pharmaciens et ainsi accentuer la collaboration avec les médecins. La Veveysanne (57 ans) évoque également le prix des médicaments, le lobby pharmaceutique, le r�le des pharmacies durant la crise sanitaire et le nouveau vaccin.

Votre élection à la présidence de pharmaSuisse en septembre a été considérée par certains comme un putsch. Avez-vous réellement tout bousculé sur votre passage pour occuper ce poste?

Martine Ruggli-Ducrot. J’étais certaine que ce terme allait arriver dans la discussion! Je n’ai pas réalisé de putsch. Il s’agissait simplement de la première fois qu’un président sortant était confronté à un autre candidat. Après avoir démissionné du conseil de direction en 2019, j’ai proposé ma candidature pour offrir une alternative. Car je n’étais plus en adéquation avec les décisions prises, notamment en ce qui concerne le développement des nouvelles prestations et la plus-value pour les pharmaciens.

Quelles sont les nouvelles orientations que vous allez insuffler à votre association?

L’ancienne équipe, dont je faisais partie, n’est pas parvenue à mettre à profit les récentes lois sur les compétences médicales. Mon objectif est d’offrir des nouvelles prestations à la population, notamment en favorisant l’interprofessionnalité. Lorsqu’un patient souffre d’une maladie chronique, il doit pouvoir compter sur la collaboration du médecin, spécialiste du diagnostic, et du pharmacien, spécialiste du médicament. Le choix du meilleur traitement devrait �tre établi entre les deux acteurs. Cette collaboration existe et elle est efficace dans le milieu hospitalier. Ailleurs, ce n’est pas encore le cas.

Les médecins adhèrent-ils à ce projet?

Dans le cadre de la collaboration dans les cercles de qualité médecins-pharmaciens, les médecins disent que l’apport des connaissances du pharmacien concernant les médicaments leur facilite le travail. Les médecins de famille sont de moins en moins nombreux. Ils travail lent beaucoup et je suis persuadée que les pharmaciens peuvent les décharger en prenant en charge les cas simples. On peut également les aider en ce qui concerne les médications complexes et le suivi des patients. Il s’agit de prestations complémentaires qui favorisent le traitement et le bien-�tre du patient.

Une présidente doit aussi gérer l’image de son association. Et celle de votre secteur d’activité n’est pas des plus reluisantes, notamment en raison du poids du lobby pharmaceutique…

Il existe beaucoup de confusions. Lorsqu’on parle de lobby, on évoque l’industrie pharmaceutique, et non les pharmaciens. Il faut concéder que ce lobby est très fort dans notre pays. Mais ces industries font également notre fierté et notre force. La Suisse est un petit pays qui ne pèse pas lourd sur le marché mondial. Malgré tout, nos industries nous restent fidèles et il s’agit d’une force pour la Suisse. Il y a donc du bon et du moins bon.

Autre rengaine: le prix trop élevé des médicaments…

Les pharmaciens n’ont aucune influence sur le prix de fabrication. La rémunération du pharmacien dépend de ses prestations et des marges qui couvrent les frais de personnel, de stockage et de distribution. Si les prix sont différents de ceux de nos voisins, c’est parce que notre niveau de vie n’est pas le m�me. Je tiens aussi à rappeler que les prix helvétiques se situent dans la moyenne européenne. Tous les trois ans, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) réévalue le prix des médicaments remboursés par l’assurance de base pour figurer dans cette moyenne continentale.

Quel est le r�le de pharmaSuisse et des pharmaciens en cette période de crise sanitaire?

L’association aide ses membres à se tenir au courant. Elle fait également le lien avec le Gouvernement, les pharmaciens et entre les sociétés cantonales.

Durant la pandémie, les pharmaciens se sont engagés pour garder leurs officines ouvertes. Et, maintenant, ils travaillent pour favoriser les tests et font partie de la solution de vaccination. Car la pharmacie se trouve �tre un bon endroit pour se faire vacciner. Elle est facile d’accès et elle permet un bon suivi des patients.

Comment expliquez-vous cette méfiance envers ce vaccin?

Une crainte des effets indésirables des vaccinations a toujours existé. Ce vaccin est toutefois particulier, car il a été développé en une année. Ce qui est une première! Les gens se méfient de cette vitesse d’exécution. D’autres craignent que des effets secondaires se déclarent dans quelques années. Aujourd’hui, nous pouvons nous appuyer sur un recul d’environ 50 000 patients. Les données montrent vraiment que ce vaccin est très sûr. Mais personne ne peut assurer à 100% qu’aucun effet indésirable rare ne soit constaté à l’avenir.
Valentin Castella – La Gruyère


Le goût de l’engagement pour la communauté

Les médicaments, Martine Ruggli-Ducrot les a c�toyés depuis petite, lorsqu’elle assistait son père, vétérinaire. «Les agriculteurs venaient à la maison à Ch�tel-St-Denis pour chercher les médicaments nécessaires. Et je m’occupais souvent de leur remettre le matériel adéquat.» Des instants heureux dont elle s’est souvenue lorsqu’elle a opté pour une formation de pharmacienne et non de médecin, son premier choix. Son père, devenu ensuite vétérinaire cantonal, et sa mère, syndique de Ch�tel-St-Denis, députée et finalement conseillère nationale, lui ont donné «le goût de l’engagement pour la communauté».

«Changer les choses»

Sa mère Rose-Marie, qui a créé la première crèche et le premier service d’entraide dans le chef-lieu veveysan, lui donnera également cet esprit de conqu�te, qui lui a permis de devenir la première femme présidente de pharmaSuisse et la première pharmacienne à diriger la commission fédérale des médicaments. Elle a aussi été l’une des premières à devenir pharmacienne de référence pour un EMS. Celui de Ch�tel-St-Denis en l’occurrence. «J’aime sortir des sentiers battus et changer les choses. M�me si modifier les habitudes, c’est aussi prendre des risques. Toute innovation provoque des remous, car l’homme est un animal d’habitudes.» Mère de trois enfants et belle-mère de cinq enfants, Martine Ruggli-Ducrot accorde une importance particulière à la famille. La sienne est d’ailleurs bien connue en Veveyse, dans le canton et désormais dans le pays. Elle est présidente de pharmaSuisse, son frère Vincent Ducrot directeur des CFF. Quant à son autre frère, Charles, il occupe le poste de vice-syndic de Ch�tel-St-Denis. «Nous sommes très proches malgré nos agendas chargés. On se soutient les uns les autres. Et tous, nous nous disons que nous avons eu la chance de suivre une excellente formation.» VAC


Bio express 1964. Naissance à Ch�tel-St-Denis, où elle grandit. Elle étudie ensuite au Collège du Sud, à Bulle, puis dans les Universités de Fribourg, Berne et Lausanne. La Veveysanne commence ensuite son activité dans des pharmacies de Bulle et de Berne.

1992. Elle devient pharmacienne répondante de la Maison Saint-Joseph à Ch�tel-St-Denis. Un poste qu’elle occupera pendant vingt-neuf ans.

1996. Départ pour les Etats-Unis et
Saint-Louis, où son premier mari, vétérinaire et virologue, effectue un postdoctorat auprès de Charles Rice, Prix Nobel de médecine en
2020.

2001. La Ch�teloise intègre pharmaSuisse en tant que collaboratrice scientifique.

2006. Membre des commissions fédérales des médicaments et des prestations et principes.

2012. Election au sein du conseil de direction de pharmaSuisse.

2014. Martine Ruggli-Ducrot devient la première pharmacienne à occuper le poste de présidente de la commission fédérale des médicaments.

2019. Démission du conseil de direction de pharmaSuisse.

2020. Retour en fanfare en devenant la première femme à présider pharma-Suisse. VAC

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