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Plongée au milieu des années 1950


HISTOIRE CHÂTEL-ST-DENIS

Anne-Françoise Saudan, Marguerite Raboud-Colliard, Claude Genoud, Roby Colliard et Denis Colliard, cinq amis de longue date et Châtelois, racontent la ville de leur enfance. L’occasion, pour eux, de se remémorer les années 1955-1960, alors que le chef-lieu vient d’accueillir son 8000e habitant.

L’effervescence se lit sur leur visage au moment de commencer l’interview. La joie est sincère et l’excitation à son comble. Anne-Françoise Saudan, Marguerite, surnommée Gigite, Raboud-Colliard, Claude Genoud, Roby Colliard et Denis Colliard, dit Péchu, se réjouissent d’évoquer le Châtel-St-Denis de leur enfance. Avec leurs commentaires et leurs anecdotes.

Pour célébrer le 8000e habitant châtelois, Le Messager propose un retour en arrière. Une immersion dans le Châtel-St-Denis d’une autre époque, accompagné par des personnalités et connaisseurs, gardiens de leur temps.

Si le centre du chef-lieu veveysan a bien changé depuis les années 1955-1960, les souvenirs, eux, restent intacts. La nostalgie guide leurs pas, sans pour autant s’abaisser aux injures et autres incartades. «Même si personne n’aime les changements drastiques, il faut comprendre que la ville doit avancer et vivre avec son temps», constate Claude Genoud.
Maxime Schweizer


Constat général

En l’espace de soixante ans, Châtel-St-Denis a évolué comme toutes les villes alentours. Sa population a sensiblement augmenté pour atteindre 8000 âmes désormais. Les commerces se sont succédé, ici et là, changeant parfois cinq ou six fois d’enseigne. D’autres sont restés en place et forment les pans de l’histoire châteloise.

«Aujourd’hui, les habitudes de vie ont changé et le centre de Châtel-St-Denis est moins animé que par le passé», reconnaît d’emblée Péchu. Attachés à «leur» ville, ces amis d’enfance, nés entre 1944 et 1951, constatent que les mœurs ont été bouleversées. «Les commerces s’adressent davantage aux individualités. Ce ne sont plus forcément des lieux de rencontre comme à notre époque», observe Gigite Raboud-Colliard. ●


Rue de Vevey

Au carrefour de la rue de Vevey s’établissait l’imprimerie Huwiler fief des conservateurs et éditrice du Messager pendant soixante ans. «En face, il y avait la magnifique pharmacie de Paul Oberson dotée de ses nombreux tiroirs et de pots en céramique par centaines», rapporte Anne-Françoise Saudan. Juste à côté, la bâtisse construite par le peintre reconnu dans la région à cette époque Gervais Andina trône fièrement.

Edifiée dans les années 1950, la bâtisse de la Banque de l’Etat de Fribourg (BEF) s’est agrandie en reprenant la droguerie de Paul et Bernard Colliard. «La famille Kaelin, très importante à Châtel-St Denis, occupait cette maison, détaille Péchu. «Madame Kaelin a notamment beaucoup développé la culture», complète Claude Genoud.

Jouxtant cette «majestueuse bâtisse» de la BEF trônaient le sellier Georges Pauli et le coiffeur Bourqui. «Monsieur Pauli était le seul à travailler ces matériaux dans la région, nous apprend Roby Colliard. Il avait également un magasin de sports d’hiver à l’arrière de sa boutique.» S’ensuit le Café de la Veveyse, autrefois le Cercle catholique, un café «très fréquenté» à l’époque. Il a été remplacé par la pharmacie St-Denis après avoir logé brièvement le kebab et la boulangerie Maillard.

«A côté, où il y a l’UBS désormais, la quincaillerie de mes grands-parents prenait place, j’y ai acheté mes premiers skis», rigole Roby Colliard. «Je me souviens de cette boutique! réagit Gigite Raboud-Colliard. En plus des nombreux tiroirs, des chaises étaient suspendues au plafond.» A cet emplacement, les frères Oswald et Denis Bongard possédaient un garage de vélomoteurs. «Ils avaient fabriqué un bob à huit places et seul le dernier pouvait freiner», se plaît à raconter l’ancien patron du Tivoli. Le bâtiment a ensuite été détruit par la commune pour fluidifier le trafic. ●


Grand-Rue, côté droit en montant

Au départ de la rue principale de Châtel-St-Denis trône  l’imposante bâtisse du Café des Bains. Tout de bleu vêtu aujourd’hui, le bâtiment avait brûlé la veille de la Bénichon 1980. Auparavant, il abritait la boulangerie Schrag et Maillard. «Auguste Schrag s’occupait des livraisons, soit à cheval soit avec sa Fiat Topolino», se remémore Claude Genoud.

Au cœur de la bâtisse, des passages soutenus par des arches offre la possibilité aux Châtelois de rejoindre le Cheval Blanc. «A l’époque, il y a avait des écuries, explique Péchu. Elles occupaient toute la surface jusqu’au bar.» «Les bagarres étaient fréquentes dans ce bistrot tenu par la famille Sonney», réagit Anne-Françoise Saudan.

En montant encore un peu, plusieurs commerces s’étaient établis dans le chef-lieu veveysan. Notamment le bazar du Moléson exploité par Odile Bosson. «C’est vrai qu’elle avait des articles un peu partout», s’exclame Gigite Raboud-Colliard. S’ensuit la boutique Les Chaussures à Mimi. «Un concurrent à mon papa», informe Claude Genoud. Fernand Berthoud a également tenu une boulangerie à cet endroit.

L’imprimerie Sudan – «destinée aux radicaux» était située près de l’Institut de Sales. «Cette bâtisse retrace l’histoire de la commune. Les filles y faisaient leurs études», affirme Anne-Françoise Saudan. Jouxtant l’Institut, le restaurant des XIII cantons. «L’intérieur, même s’il reste beau, a perdu de son charme d’antan. Vous vous rappelez les bons plats de grandmaman Mossu?» interroge Gigite. «Oh que oui! Elle avait une aura fantastique et sa bisque à l’écrevisse était de renommée régionale», s’exclame Roby Colliard.

Ensuite, plusieurs commerces s’enchaînaient pour atteindre le haut de la Grand-Rue: le magasin de chaussures de la famille Genoud, la boucherie, la pharmacie Desbiolles, le Ptit cordonnier (Gérard Genoud), chez Pépé l’horloger ou encore l’épicerie Monney en lieu et place du Quick. «Il y avait encore une colonne à essence qui attirait toute la ville, elle se situait avant le Cercle de l’agriculture», se souvient Péchu. ●


Fruence/ Prayoud

Du côté des hameaux châtelois, Fruence possédait ses propres épiceries tenues par les familles Chaperon et Suard. «On y allait avec maman pour soutenir les commerçants», conte Gigite. Les Granges étaient également dotées d’un dépôt de sel en plus d’une épicerie.

Le must de l’époque, où il fallait être vu, se trouvait du côté de Prayoud et son bar clandestin. Jamais attrapés par la police, les propriétaires des lieux, les Vauthey, avaient recours à des astuces surprenantes. «Ils cachaient les bouteilles derrière les lattes du mur, livre Roby Colliard. Ils avaient disposé des miroirs pour savoir qui entrait dans le bâtiment. Si c’était la police, ils rangeaient tout (rires).» Les cinq amis s’accordent pour dire que l’entier de Prayoud s’y donnait rendez-vous. «Tout Châtel savait que ce bar existait, sauf la maréchaussée», rigole Péchu. ●


Grand-Rue, côté gauche en montant

Dans les années 1955-1960, une épicerie amorçait le côté gauche de la rue principale de la ville châteloise où se trouve la bijouterie aujourd’hui. «Je me souviens qu’elle ouvrait de bonne heure, relate Gigite Raboud-Colliard. Un peu plus haut se trouvait la boucherie Grumser Au petit paradis. La viande était délicieuce.»

Un magasin de chaussures, un pressing, une nurserie ou encore un magasin de lingerie fine se succédaient dans la rue avant d’arriver à La Fabrick. «Auparavant, l’établissement était tenu par Bibi Pasquier et s’appelait La Croix d’or, explique Claude Genoud. Il y avait une magnifique salle de spectacle.» Un peu plus haut, se situait un café faisant l’unanimité des cinq amis: le Cercle démocrate, stamm radical. «Avec ses vitraux, il était le plus beau café de Châtel-St-Denis, se remémore Roby Colliard. Au 1er étage se trouvait la Banque populaire dirigée par un certain Bernard Kolly.»

L’ancêtre de la Coop, la Ménagère, se trouvait en amont. «Tout le monde y allait pour faire ses courses, jusqu’à son déménagement à la fin des années 1970 à son emplacement actuel situé à l’entrée de la ville depuis Vevey», détaille Anne-Françoise Saudan. Le garage attenant, toujours existant, exploité successivement par les familles Jenny, Crot, Berthoud et Tâche, proposait des services divers dans les années soixante. «Notamment une navette payante pour rejoindre la station des Paccots», raconte Roby Colliard. En outre, il abritait les chevaux du service postal lié à l’Hôtel de Ville.

Daté de 1556, cet imposant bâtiment se situe à l’endroit où la route rétrécit en haut de la Grand-Rue. «C’était le centre du village», expose Péchu. «Nous y allions pour voter, pour l’Office des poursuites, la salle du tribunal, pour jouer aux quilles ou pour les services postaux, complète Gigite Raboud-Colliard. Un antiquaire se trouvait au 1er étage.» Enfin, après l’école du Bourg, Edouard Genoud avait un atelier pour ses réparations en tous genres. «Il vendait n’importe quoi», rigole Claude Genoud. ●

  • BIBLIOTHÈQUE CANTONALE ET UNIVERSITAIRE DE FRIBOURG, FONDS COLLECTION DE CARTES POSTALES, CAPO

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