Un exploit XXL pour deux Veveysans infatigable

TRAIL PROGENS/CHÂTEL-ST-DENIS

Christophe Bourdilloud, de Ch�tel-St-Denis, et Jean-Louis Colliard, de Progens, ont réalisé une performance hors norme, un exploit de longue haleine.

Le premier, à 37 ans, a fini le Tor des géants, un trail de 338 kilomètres, 24 000 mètres de dénivelé positif, qu’il a effectué en cinq jours.

Le deuxième, à 59 ans, a parcouru le Tot dret: 134 km, 12 000 mètres de dénivelé positif, qui lui aura pris 32 h 38.
Récit.

TOR DES GÉANTS

Cette année, le Tor des géants, trail extr�me au départ de Courmayeur (Italie), f�tait ses dix ans. Une édition à laquelle Christophe Bourdilloud, Ch�telois de 37 ans, comptait bien participer, lui qui avait effectué l’année dernière le Tot dret, compétition plus courte s’inspirant du Tor des géants (voir Le Messager du 21 septembre 2018). Cet adepte de la peau de phoque et de courses en montagne avait pourtant été opéré du dos en avril dernier, après avoir chuté à skis. «Je me suis fracturé trois vertèbres, confiet-il. Je me suis alors dit que ce serait pour l’année prochaine. Tous mes proches m’ont d’ailleurs conseillé d’y renoncer.»

Seulement, la rééducation se passe si bien que, deux semaines avant la course, Christophe Bourdilloud se sent «très en forme». Le pompier professionnel de 37 ans se met à hésiter. «Un de mes collègues, Bertrand, m’a alors dit: “Si tu te sens bien, vas-y. Essaie, lance-toi, et si tu n’arrives pas au bout, ce n’est pas grave.” J’étais inscrit, je n’ai pas réussi à remettre mon dossard à quelqu’un d’autre, alors j’ai finalement décidé de suivre son conseil et de tenter le coup.»

Le 8 septembre dernier, il entame donc un parcours de 338 kilomètres, pour 24 000 mètres de dénivelé positif. «Je n’ai pas pu m’y préparer énormément mais, encore une fois, je me suis dit que si ça n’allait pas, je n’avais qu’à m’arr�ter à un poste de ravitaillement.» Selon lui, après 200 km d’effort, un coureur a forcément mal partout. «Le mental fait beaucoup.» Une fois ce cap franchi, il a réalisé qu’il avait en fait toutes ses chances de réussir à atteindre la ligne d’arrivée.

UNE PERTE TRAGIQUE

Seulement, alors qu’il était en pleine montagne, sa femme lui annonce que son collègue Bertrand est subitement décédé dans un accident de la route. «J’étais très ému. La nuit suivante, le ciel était magique. Une magnifique pleine lune et plein d’étoiles filantes. Je me suis dit que c’était Bertrand qui, d’une certaine façon, me faisait signe et m’encourageait à aller jusqu’au bout. J’ai alors décidé de finir le trail pour lui.»

En tout, Christophe Bourdilloud a mis cinq jours – 135 h 28’ 08’’, excusez du peu – pour franchir la ligne d’arrivée. Il fait partie des 577 participants ayant réussi à finir le Tor des géants, sur les 957 présents au départ. Lui-m�me se classe à la 298e place. Comment se sent-il après avoir réussi ce défi hors norme? «Je ne réalise pas encore entièrement, surtout que je suis passé par toutes sortes d’émotions, d’autant plus avec la disparition de mon collègue... Cette réussite, je la lui dédie, ainsi qu’à ma famille et à tous ceux qui m’ont soutenu. Honn�tement, je pensais que toutes mes émotions allaient ressortir lorsque je passerais la ligne d’arrivée, mais ce n’a pas été le cas. Il m’arrive encore de me réveiller, dans mon canapé après une sieste, et de croire que je dois me remettre à courir.»

Son but était avant tout de profiter: «J’adore la montagne. De nuit, avec une lampe frontale, c’est magnifique. J’avance d’ailleurs plus vite durant la nuit. Pendant les journées, j’essayais de me préserver.» Christophe Bourdilloud n’a pas effectué tout le parcours, oscillant la plupart du temps entre 1000 m et 2000 m d’altitude, complètement seul. «J’ai rencontré Sylvain, un Vaudois avec qui j’ai couru pendant deux jours et demi. Il est ensuite parti devant parce qu’il se sentait mieux et que j’étais dans un temps faible. Vers la fin, j’ai également parcouru une certaine distance avec Charles, un Genevois.»

TOT DRET

Alors que Christophe Bourdilloud était déjà en plein effort, Jean-Louis Colliard, de Progens, s’élançait, le 10 septembre dernier, sur le Tot dret. Un trail, reliant Gressoney-St-Jean à Courmayeur, s’étirant sur 134 kilomètres, avec 12 000 mètres de dénivelé positif. Le tout, à environ 2000 mètres d’altitude, doit �tre effectué en moins de 44 heures.

«Cela fait cinq ans que je fais des trails, confie le contremaître forestier de 59 ans. L’été, j’en fais environ un par mois. Mais c’était mon premier Tot dret. L’année dernière, avec ma femme, nous avons soutenu Christophe Bourdilloud comme bénévoles sur un poste de ravitaillement. Nous avions pris avec nous un drapeau suisse et des cloches, c’était génial. A tel point que ça m’a motivé et que je me suis lancé le défi de le faire à mon tour.»

POURSUIVRE SANS RELÂCHE

Durant un jour et deux nuits, il a avancé sans faire de véritable pause, postes de ravitaillement mis à part. «Certains s’arr�tent pour dormir pendant une heure. Moi, moins je m’arr�te, mieux je me porte (sourire).» Au final, il est arrivé 34e du classement général et cinquième de sa catégorie. «Je m’entraîne les week-ends, mais, à mon �ge, j’écoute mon corps et j’y vais “au feeling”. C’est vrai qu’on nous dit souvent, autour de ce genre de trails, que nous sommes des malades (sourire).» Il lui aura fallu 32 h 38 pour parcourir le Tot dret.

Des quinze Suisses au départ, il est arrivé le premier. De nombreux abandons ont également été enregistrés lors de ce trail. Quelques jours après avoir tenu son pari, Jean-Louis Colliard est encore très remué par sa performance: «Des fois, je repense à cette course et j’ai les larmes aux yeux. C’était tout simplement merveilleux. Les bénévoles qui l’encadrent réservent un accueil incroyable aux coureurs. C’est convivial, ça donne lieu à de belles rencontres, il y a une ambiance fantastique.»
Christian Marmy