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Une dévotion sans limite devenue pratique interdite

Les ultras de Fribourg-Gottéron ont déployé cette banderole alors que les joueurs s’en allaient disputer le dernier match du championnat à Ambri. DR

FRIBOURG-GOTTÉRON VEVEYSE

Difficile d’accepter la situation privative actuelle lorsqu’on est fanatique de hockey sur glace. Pour les Fribvrgensis, l’impatience devient insoutenable à l’entame des play-offs. Témoignage de l’un des ultras, qui se dévouent corps et �me à Fribourg-Gottéron.

On leur a enlevé leur passion, leur raison d’�tre. On leur a enlevé ce qui les fait exister: ces moments de partage, d’ambiance et d’amitié. Car si, pour beaucoup, l’impossibilité de se rendre à la patinoire pour encourager leur équipe favorite résonne comme un crève-cœur, pour les ultras, l’indigence s’avère abyssale.

Fribourg-Gottéron a disputé mardi, pour la première fois de son histoire, un match de playoffs sans la ferveur de ses partisans (victoire 2 à 1 devant Genève-Servette). Parmi les déçus, le groupe des Fribvrgensis, les ultras du club. Entendez par là ceux qui se réunissent sous les m�mes couleurs au nom de la ferveur et du dévouement à leur équipe, aux allures parfois de dévotion. Un culte qui les mène également à des comportements extr�mes, voire violents. Mais avant tout, ils représentent une bande d’amis, pour le meilleur et pour le pire.

A lors, comment vivent-ils cette période de privation? Témoignage avec un ultra veveysan de la section. Afin de respecter les codes en vigueur dans le milieu, il n’a pas souhaité décliner son identité. Nous le nommerons Pierre.

Pierre et ses acolytes remplissent une bonne partie de leur agenda avec des événements liés à Fribourg-Gottéron. Privés d’encouragements, privés aussi de réunion, d’union au nom d’une entité commune, ils peinent à accepter la situation et les mesures sanitaires. Car au-delà de la passion du sport, le fanatisme partagé offre un sentiment d’appartenance à un groupe et permet de nouer des liens amicaux. Les aspects sociaux et intégrateurs manquent alors. «Des petites dépressions se font ressentir au sein du groupe, concède Pierre. Chaque membre réagit différemment à la privation. Mais pour beaucoup d’entre nous, cette situation est antérieure à l’apparition du Covid-19.»

Doublement interdits de patinoire

En novembre 2019, après des heurts sur une aire d’autoroute avec des ultras genevois, 83 fans s’étaient en effet vus infliger une interdiction de patinoire pour plusieurs années. «C’est un sacré coup, quand, du jour au lendemain, on vous enlève votre raison de vivre.» Les punis sont passés du suivi de trois matches par semaine à une abstinence totale. Désormais, tout le monde se retrouve dans le m�me cas. «Au moins, la sanction privative est moins difficile à accepter quand personne n’a accès à la patinoire.»

Les ultras constituent un monde à part dans l’univers du sport. Entre eux règne un sentiment fraternel et d’unicité. Ils aiment le signaler: impossible de comprendre leur engagement, leur dévotion et leur fanatisme, si l’on n’est pas l’un deux. Alors la séparation est amère. «En début de saison, quand les mesures sanitaires étaient un peu plus souples, nous nous réunissions pour regarder les matches sur grand écran, dans des bars de la ville, poursuit Pierre. Quand les restrictions se sont durcies, nous formions des petits groupes pour suivre les rencontres, à la maison. Sinon, on communiquait via Whatsapp.» Le cordon amical n’a jamais totalement été coupé. «On éc ha nge pour a na lyser les matches, mais aussi pour prendre des nouvelles de nos potes.»

Don d’argent aux jeunes

Malgré la pause forcée de plus d’un an désormais, les Fribvrgensis suivent toujours, en pèlerins, cette flamme qui les fait vivre. Ils ne comptent pas oublier Fribourg-Gottéron. Les membres ont réalisé des tifos, ces énormes banderoles déployées dans la patinoire, ils ont vendu des t-shirts à l’honneur de Saint-Léonard, récoltant 4000 francs, légués au mouvement junior du club. Les plus fervents fans fribourgeois ont manifesté leur soutien, tout au long de la saison. Ils se sont également positionnés contre une réforme qui vise à augmenter le nombre de joueurs étrangers dans le championnat de National League.

Au départ du car pour le dernier match de la saison, lundi passé à Ambri, ils ont procédé à un défilé, dans un brouillard arcen-ciel provoqué par des fumigènes, avançant avec une banderole: «Terminez la saison en beauté.» Les chants qu’ils ont entonnés ont rappelé, l’espace d’un instant, ce à quoi le hockey sur glace ressemble avec du public. Un passé pourtant pas si lointain. «On essaie de se consoler comme on peut. Mais le manque d’ambiance, de chants et d’encouragements est impossible à combler en étant hors de la patinoire.»

De leur c�té, les joueurs semblent également fatigués d’évoluer à huis clos, dans des bulles sanitaires et sous la menace constante de quarantaine collective. «Les joueurs aiment jouer avec les émotions du public, surtout à Fribourg.» Mais après une si longue pause, les fans vont-ils retrouver leur entrain? Les chants continuerontils de faire vibrer les murs et les spectateurs? «Les gens sont plus motivés que jamais, coupe Pierre. L’ambiance sera superbe et tout le monde sera à fond, on attend tous le retour à la patinoire avec de plus en plus d’impatience.»

Si tout va bien, ce sera pour l’automne prochain et la nouvelle saison. Fribourg-Gottéron pourrait alors – enfin! – inaugurer sa BCF-Arena flambant neuve. «Le travail réalisé est monstrueux et nous nous réjouissons de voir la patinoire en ébullition.» Beaucoup donneraient cher pour ressentir à nouveau ces frissons quand le “chaudron” s’embrase, aux sons des chants partisans et au rythme des tambours de toujours.
Jonas Ruffieux


Un titre, sans public, vaut-il la peine d’�tre gagné?

Fribourg-Gottéron a disputé hier soir aux Vernets l’acte 2 des quarts de finale des play-offs, face à Genève-Servette. A l’heure d’écrire ces lignes, le résultat de la partie nous était encore inconnu. Mais quoi qu’il en soit, les Fribourgeois disposent cette saison d’une formation solide, constante, qui peut viser haut. «Les gars ont été vraiment plaisants à voir jouer, se réjouit Pierre, membre du groupe ultra Fribvrgensis. Affronter Genève constitue un bon tirage, parce qu’on aime les derbys, d’autant plus en play-offs.»

Beaucoup murmurent que Fribourg-Gottéron aurait ses chances pour le titre, après lequel il court depuis toujours. Mais après une telle attente et les espoirs de tout un canton, ne serait-ce pas décevant de remporter le graal sans public? «Oui, bien sûr. Mais je suis convaincu que Covid-19 ou pas, le premier titre de l’histoire du club serait f�té comme il se doit.» JR

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