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Une atmosphère «pesante» dans les hôpitaux

Dans les hôpitaux, le nombre de patients atteints du Covid-19 ne diminue pas. Le personnel soignant, bien que réduit, poursuit sa lutte contre le virus.ARCH – A. VULLIOUD/ LA GRUYÈRE

SANTÉ RÉGION

Les hôpitaux vivent une période critique. Les patients atteints par le Covid-19 occupent une majorité des lits, notamment aux soins intensifs qui sont bondés. Le personnel hospitalier est sous pression constante. Deux infirmières veveysannes partagent leur quotidien.

La situation est plus qu’alarmante. Dans les hôpitaux, le Covid-19 occupe toutes les pensées et touche un nombre de personnes impressionnant. Quotidiennement, des patients atteints par le virus décèdent. Que ce soit en médecine interne ou aux soins intensifs, le constat est le même: la période est critique. Depuis lundi et jusqu’à mercredi 17 h, le canton de Fribourg a recensé 1513 cas de coronavirus (85 en Veveyse).

Deux infirmières veveysannes ont accepté de témoigner et de partager leur quotidien. A 24 ans, Julie* travaille en médecine interne dans un hôpital romand. Elle est intégrée dans un service où sont regroupés trente patients atteints par le Covid-19.
Pour sa part, Marie Grivet est infirmière aux soins intensifs à l’Hôpital fribourgeois (HFR) depuis bientôt deux ans.

Toutes deux ont vécu la première vague au printemps, elles peuvent donc tirer un parallèle avec la situation actuelle. «Nous sommes davantage au courant et savons mieux comment nous protéger, raconte Julie. Cependant, le virus touche un panel de personnes très varié et il semble plus violent. Même si nous avons plus de matériel, nous sommes souvent livrés à nous-mêmes.»

Marie Grivet partage la même opinion que sa consœur. «En mars, nous étions dans l’inconnu. Rapidement, nous avons manqué de moyens, mais nous nous sommes adaptés, notamment grâce au dépassement de fonction et au soutien de nos cadres.» La Semsaloise de 27 ans a également travaillé sur son temps privé pour «être à la hauteur de la situation». «Aujourd’hui, nous en savons plus sur le virus et nous avons pu mettre en place d’autres méthodes pour éviter d’arriver à l’intubation d’un patient, comme l’oxygénation à haut débit et la ventilation non invasive.»

Depuis près d’un mois, les hospitalisations dues au Covid-19 ne diminuent pas. Dans son service de médecine interne, Julie respecte des mesures sanitaires strictes. «Quand j’entre dans une chambre d’un patient positif au Covid-19, je porte une combinaison, des gants, un masque, des lunettes et une charlotte. Ensuite, je dois bien penser à ne rien toucher pour ne pas contaminer quoi que ce soit en dehors de la pièce infectée.»

Soulager les douleurs

Si les personnes sous assistance respiratoire sont transférées aux soins intensifs, les décès touchent aussi ses patients. «Il y en a déjà eu dix en moins d’un mois, quatre dont je m’occupais personnellement…» Des départs toujours compliqués à vivre. «Même si nous faisons tout pour eux, pour soulager leur douleur, c’est dur de les voir partir sans leur famille, reconnaît Marie Grivet. Les appels v idéo ne remplacent pas le contact humain.»

La capacité des soins intensifs a été augmentée pour passer de 24 à 29 lits. Presque tous sont occupés. Un combat physique et psychologique pour Marie Grivet. «Je sais que, quand j’entre dans une chambre d’isolement, c’est pour y rester plusieurs heures avec tout l’habillage de protection. Dans la tête, c’est aussi pénible, car je prends des risques pour ma santé et je ramène une charge psychologique à la maison.» A noter que des patients de l’HFR ont été transférés à Berne, Lausanne et Bâle.

Une atmosphère «pesante»

Les deux infirmières parlent d’une atmosphère «pesante» au sein de leurs institutions. «Au début, nous étions toutes et tous motivés, se rappelle Julie. Aujourd’hui, la fatigue, autant morale que physique, est bien présente.» Le personnel soignant effectue des heures supplémentaires chaque jour sans compter la concentration qui doit toujours être à son paroxysme. «Je ne peux pas me reposer, parce qu’il faut éviter de contaminer un objet ou un collègue. La nuit, c’est encore plus dur. Nous sommes moins nombreux et n’avons pas toujours le temps de respecter toutes les dispositions.» Un autre facteur impacte le moral des troupes. Les cas positifs des employés dans les différents services, un facteur qui n’apparaissait pas en mars. Des absences que les engagements temporaires ne peuvent que partiellement combler. «Les cadres ont réalisé du bon travail, parce que nous recevons du renfort, comme l’aide des anesthésistes, des temporaires, etc. Pendant une période, nous avons dû remplacer les absents, nous nous soutenons et nous entraidons», exprime Marie Grivet.

Une période difficile à traverser notamment sur le plan émotionnel. «Comme il n’y avait plus de place chez nous et que les soins intensifs commen- çaient à être surchargés, nous n’avons pas pu y transférer un patient, parce que ses chances de survie étaient plus faibles que celles d’autres patients, reprend Julie. C’était une situation vraiment choquante que je ne souhaite à personne.»

Plus d’un mois après le début de la deuxième vague, Marie Grivet ne voit pas encore le bout du tunnel. «Je me rends compte que les mesures de distanciation ne sont pas totalement respectées. En mars, les gens faisaient attention, aujourd ’hui moins. C’est dur de se dire que l’on se bat pour soigner nos patients et que d’autres personnes ne font pas attention…»
Maxime Schweizer

*prénom d’emprunt, nom connu de la rédaction.

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