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Anne Lugon-Moulin, un an à l’ambassade d’Abidjan

Au début du mois de juillet, Anne Lugon-Moulin a participé à l’inauguration d’une station de lavage des mains devant le marché de Bingerville en Côte d’Ivoire. PHOTO DU FIL TWITTER D’ANNE LUGON-MOULIN

Depuis un an, il faut l’appeler «Madame l’ambassadeur». Anne Lugon-Moulin – qui a grandi en Veveyse, à Granges, et qui a fait ses premières classes à Châtel-St-Denis – raconte ses douze premiers mois comme représentante de la Suisse en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.

Quel bilan tirez-vous de votre première année à l’ambassade d’Abidjan?

Anne Lugon-Moulin: Je tire un bilan très positif, bien qu’il couvre une année divisée en une période normale, pendant laquelle nous avons géré de nombreux dossiers économiques, scientifiques, culturels, ainsi qu’accueilli plusieurs visiteurs officiels de Suisse (lire son portrait dans Le Messager du 12 juillet 2019). Puis une période d’urgence due à la crise du Covid-19, laquelle a profondément changé la nature de notre travail.


Est-ce que vous vous êtes habituée à «Madame l’ambassadeur»?

Oui, on s’habitue vite aux habitudes de langage, surtout lorsqu’elles sont respectueuses! Cela dit, en Afrique de l’Ouest, l’expression la plus répandue est «Excellence». C’est plutôt sympathique. Vu que les gens sont chaleureux, l’aspect formel de l’expression est atténué par une attitude cordiale.

Quelle est votre plus grande satisfaction?

Les nombreux exercices de rapatriement de Suisses bloqués dans nos cinq pays d’accréditation, pendant les deux premiers mois de la crise du Covid-19. Il faut imaginer que, avec les frontières terrestres, maritimes et aériennes fermées, de nombreux ressortissants suisses, qui séjournaient dans nos pays, se sont retrouvés, quasiment du jour au lendemain, sans moyen de rentrer au pays. Pendant des semaines, nous avons travaillé en collaboration avec plusieurs pays européens, qui affrétaient leurs propres vols, en particulier la France en Côte d’Ivoire, et l’Allemagne en Guinée et au Libéria. Puis nous avons eu le privilège de disposer de notre propre vol, affrété par le Département fédéral des affaires étrangères, de la compagnie Helvetic Airways, le 29 avril. Ce vol a desservi Ouagadougou et Abidjan, deux capitales couvertes par mon ambassade, ainsi qu’Accra. Ce fut une fierté que la Suisse puisse déployer ce genre d’assistance. Dans l’esprit de collaboration qui a prévalu durant toute cette crise, nous avons également pris quelques passagers européens sur notre vol. Au total, jusqu’à la réouverture des frontières à la fin juin, nous avons rapatrié plus de 180 Suisses bloqués dans nos cinq pays.

La Berne fédérale vous manque-t-elle?

Cette année a été trop pleine de découvertes, trop riches d’enseignements divers et mon emploi du temps trop occupé pour que j’aie eu le temps de m’ennuyer de Berne. Par contre, les paysages et la nature suisses me manquent beaucoup.

Comment vivez-vous la crise du Covid-19 depuis l’ambassade d’Abidjan?

Nous sommes toujours en état d’urgence. Cela signifie que les rassemblements en dessus de cinquante personnes sont interdits et qu’Abidjan, épicentre de la pandémie, reste isolée du reste du pays, et ce, jusqu’à la fin juillet. Sur la base des directives du DFAE, nous avons mis en place de nouvelles structures de travail, afin de permettre aux collaborateurs de travailler depuis la maison, ainsi que de diminuer les trajets en transports publics effectués par les collaborateurs locaux. Nous avons également fait de nombreux exercices de sensibilisation aux mesures d’hygiène.

Depuis la Suisse, on entend peu parler de l’Afrique durant cette période. Quelle est la situation sur place?

Le virus se propage en Afrique, comme partout ailleurs dans le monde. Le taux de létalité en Côte d’Ivoire, est faible, de l’ordre de 0,7%. Il y a plusieurs hypothèses pour l’expliquer: la jeunesse de la population, la résistance développée à d’autres maladies, le faible nombre de malades cardiaques et d’autres pathologies. Il n’empêche que la lutte contre cette maladie requiert beaucoup de moyens financiers de la part des gouvernements et met leurs systèmes de santé sous pression.

Etes-vous inquiète?

Pas plus que pour le reste du monde. En Afrique, d’autres maladies graves circulent depuis la nuit des temps: la malaria, la dengue ou le typhus. Les gens ont développé une grande résilience. Cela dit, il est assez difficile d’avoir une image claire de la situation.

Quels sont les projets, à plus ou moins court terme, que vous souhaitez développer?

Nous devons d’abord sortir de cette situation d’urgence pour pouvoir travailler comme avant. Nous avions prévu un certain nombre d’événements culturels et plusieurs ouvertures de projets, qui ont été annulés brusquement à cause de la crise. J’espère qu’ils pourront avoir lieu. Ensuite, en Côte d’Ivoire, nous aurons les élections présidentielles, une échéance importante, le 31 octobre prochain. La Suisse soutient les efforts de l’ONU, qui accompagne le Gouvernement ivoirien et participe au dialogue politique sur place. Enfin, j’espère pouvoir me rendre au Burkina Faso et en Sierra Leone pour présenter mes lettres de créance. Vu que les frontières sont restées entièrement fermées pendant plusieurs mois, tout déplacement dans la région était impossible.

Vous allez revenir en Suisse, en août, qu’avez-vous prévu de faire?

Passer du temps avec ma famille et mes amis, qui m’ont manqué. Profiter de la nature, des beaux paysages, de l’air pur. J’ai aussi quelques rendez-vous professionnels à Berne. Enfin, la traditionnelle conférence des ambassadeurs, qui se déroule chaque année à la fin du mois d’août, aura lieu par vidéo cette année.
Propos recueillis par Valentin Jordil

 

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