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Veveyse

Comment les mines ont dessiné le paysage...

Deux ans avant la fermeture définitive des mines de charbon de St-Martin, le photographe bullois Simon Glasson a réalisé plusieurs clichés dans les galeries, au plus proche des mineurs. PHOTOS GLASSON, MUSÉE GRUÉRIEN, BULLE

SÉRIE D’ÉTÉ ST-MARTIN

Durant tout l’été, Le Messager vous emmène à la découverte du patrimoine paysager de la région, entre histoire et nature. Premier des six épisodes avec les mines de charbon de St-Martin, exploitées de 1771 à 1947.

Les traces d’une vie de labeur, dans les mines de charbon de St-Martin, sont désormais enfouies. Les galeries sont obstruées. En surface, seuls quelques vestiges subsistent, dessinant le paysage contemporain de la commune. Ainsi, sur les pentes de la colline du Jordil ou dans le Bois de Villard, il est encore possible d’observer les restes des terrils formés par l’accumulation de résidus miniers ou des dépressions dues à l’effondrement de galeries. Recouverts par la végétation et les arbres, qui sont parvenus à pousser sur ce terreau aride, les terrils sont maintenant des collines... presque comme les autres.

Seul un regard aiguisé comme celui de Jean-Claude Vial est capable de les reconnaître. L’ancien instituteur au Cycle d’orientation de la Veveyse se passionne, depuis les années 1980, pour l’histoire des mines de charbon de St-Martin, actives de 1771 à 1947. Leur exploitation est intimement liée à la verrerie de Semsales, créée en 1776 par des immigrés de Franche-Comté. «Quatre cents ouvriers travaillaient alors dans les mines et à la verrerie», raconte Jean-Claude Vial, dont le propre père a travaillé à la mine.

Majorité de mineurs veveysans

L’essentiel des employés étaient alors veveysans. «On trouve également des Gruériens, PATR des Glânois, des Confédérés et des étrangers, mais peu de Vaudois, énumère Jean-Claude Vial, qui habite à Tatroz. La “frontière” religieuse a certainement joué un rôle.» En 1860, l’usine de Semsales fabriquait PAY S
un million de bouteilles, avec l’énergie provenant des tourbières du Crêt et des mines. «Le chemin de fer a ensuite permis à la verrerie d’être ravitaillée par le charbon étranger, moins cher et de meilleure qualité, de France, d’Allemagne ou encore de Belgique, poursuit-il. La production indigène a alors disparu progressivement.»

En 1911, la verrerie de Semsales est délocalisée dans le canton de Vaud, à St-Prex, et ferme définitivement ses portes en 1914. L’exploitation des mines reprendra toutefois en 1919 pour faire face au manque d’approvisionnement. «Le lignite de St-Martin avait une forte teneur en soufre, qui dégageait des gaz nauséabonds lors de la combustion domestique. Les gens ne l’utilisaient donc pas pour se chauffer. Par contre, il convenait parfaitement pour faire fonctionner les machines de l’industrie chimique.»

En 1942, la société anonyme des Mines du bassin de la Mionna – regroupant l’Etat de Fribourg, des privés et les entreprises chimiques bâloises (Ciba) – est créée. «En 1945, année record, 15 000 tonnes de charbon sont extraites, souligne Jean-Claude Vial. Ce qui n’était pas négligeable.» En 1945, une seconde mine, plus petite, est ouverte au Bois de Villard. Les baraquements installés pour le fonctionnement des mines peuvent accueillir cent cinquante ouvriers. L’entreprise comptait alors plus de trois cents employés.

Les femmes n’étaient que quatre. L’enseignant à la retraite relève qu’elles devaient porter une salopette, «ce qui était rare pour l’époque» et que celles qui travaillaient à la verrerie recevaient le même salaire que les hommes pour le même travail. «Là encore, une pratique pas si courante», indique-t-il.

Peu de graves accidents

Les prescriptions 1/6 A GER en matière de sécurité étaient très strictes. Rares ont été les accidents mortels. Entre 1942 et 1946, Jean-Luc Vial n’en a enregistré «que» quatre. Un contrôle très sérieux des éventuelles poches de gaz était fait chaque jour, en particulier après les dimanches de pause. Au fond de la mine, le travail était pénible et dangereux. Le mineur recevait un montant fixe, à l’heure, et une prime à la production. Celle-ci était calculée en fonction de la progression, de la résistance de la roche et de l’épaisseur du filon. Une grève a toutefois éclaté dans les années 1940. Après six mois de conflit, un contrat collectif a été élaboré et est entré en vigueur en 1943. «Une augmentation de salaire de 15% a été accordée», explique-t-il.

En 1947, les installations sont démontées, les puits et les trois galeries horizontales à soixante, cent vingt et cent huitante mètres de profondeur et de deux cents à huit cents mètres obstrués. Le récent livre collectif sur la commune, St-Martin: à la découverte de son histoire, auquel Jean-Claude Vial a collaboré, a permis de redécouvrir ce pan du passé, souvent méconnu.

«Le travail à la mine, s’il était relativement bien payé, était pénible. Un travail risqué. Je me demande si on n’a pas voulu oublier. C’est peut-être une expérience qu’on n’avait pas envie de revivre... Ce qui explique qu’on en parlait peu, analyse avec le recul Jean-Claude Vial. Quand j’étais petit, on n’avait jamais évoqué ce passé à l’école.»

Les rares traces encore visibles dans le paysage sont autant de témoins de cette histoire qui ne demande qu’à être redécouverte... ou découverte. Il est également possible d’observer des restes du passé minier de la région le long du Sentier des arbres qui jalonne les villages des communes de St-Martin et de La Verrerie. Valentin Jordil

Les illustrations de cet article sont tirées des fonds photographiques du Musée gruérien de Bulle. Plusieurs milliers d’images sont accessibles sur le site internet du musée www.musee-gruerien. ch, sous l’onglet Collections, base de données en ligne

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