Logo

Veveyse

La gélinotte des bois au cœur d’un travail de thèse

La gélinotte des bois (ici, une femelle) manie l’art du camouflage à la perfection en milieu forestier. Seul moyen de la repérer à coup sûr: attendre l’hiver et suivre ses crottes. ROMAN BÜHLER

NATURE VEVEYSE

Vincent Grognuz a consacré son travail de master à une espèce d’oiseau vulnérable: la gélinotte des bois. Etudiant en biologie à l’Université de Fribourg, cet Attalensois a recensé plus de septante gélinottes dans les Préalpes occidentales, et notamment en Veveyse. Il présente les conclusions de son travail, ce matin, à l’Université de Fribourg.

C’est en plein hiver, les raquettes aux pieds et à peaux de phoque, que Vincent Grognuz a passé au crible trente sites des Préalpes fribourgeoises. Son but? Retrouver les traces d’un oiseau qui se fait rare dans nos contrées: la gélinotte des bois. Avec l’aide d’une petite équipe d’assistants, il a parcouru près de 400 kilomètres pour pister cette espèce de la famille des tétraonidés. Pour la repérer à coup sûr, il faut avoir l’œil avisé: «C’est un oiseau dont les crottes ont une forme bien spécifique, comme des mégots de cigarette, assez facilement repérable sur la neige. Il a tendance à en faire beaucoup en peu de temps, et comme il est très territorial, c’est un bon moyen de baliser un habitat.»

Etudiant en biologie à l’Université de Fribourg, c’est dans le cadre de son travail de master en écologie appliquée que cet Attalensois de 26 ans a décidé de s’intéresser à la gélinotte des bois. Proposée par le Service des forêts et de la nature du canton de Fribourg, la thèse de Vincent Grognuz met en avant la fragmentation de l’habitat de cette espèce. Il présente, ce matin, les conclusions de son travail à l’Université de Fribourg.

Fragmentation de l’habitat

Lorsqu’il commence sa thèse en 2018, une vingtaine d’observations attestées avaient été effectuées sur les vingt dernières années dans le canton. Un chiffre qui en dit long sur la rareté d’une espèce dont l’état des populations est trop peu évalué en Suisse. L’étudiant en biologie de s’inquiéter: «Contrairement à ses cousins, le grand tétras et le tétras-lyre, peu de personnes s’intéressent aujourd’hui à la gélinotte. Il y a pourtant de quoi s’en soucier…»

Ce travail de master tente d’apporter un éclairage sur le déclin du nombre de gélinottes des bois en Europe centrale et en Suisse. Son premier volet, rédigé par Sandrine Wider, a permis d’identifier une dégradation dans la qualité de l’habitat que représentent les forêts actuelles pour l’espèce. Une constatation corroborée par les conclusions de Vincent Grognuz: «Nos forêts sont aujourd’hui constituées de petits îlots hétérogènes. Elles sont séparées par de vastes pâturages, des stations de ski ou encore des routes alors qu’il y a un siècle, elles s’étendaient de manière homogène sur le front des Préalples.»

Etant une espèce strictement forestière, la gélinotte favorise en effet les forêts denses pour s’y installer et se reproduire. «Une gélinotte ne sortira jamais d’un couvert forestier pour traverser une étendue ouverte. Aujourd’hui, on estime que les populations ne sont plus vraiment connectées entre elles et qu’il n’y a plus de brassage génétique, une pression supplémentaire pouvant expliquer le déclin de l’espèce.» La connectivité des forêts joue donc un rôle primordial pour les gélinottes, qui profitent de ces corridors pour se déplacer.

Une experte du camouflage

La gélinotte excelle particulièrement dans l’art du camouflage, comme le confirme Vincent Grognuz: «C’est une espèce farouche, très discrète et donc difficile à repérer.» Le biologiste averti se souvient même avoir failli marcher sur un oiseau, caché au sol, durant ses recherches de terrain. Une preuve de l’adresse avec laquelle la gélinotte est capable de se rendre invisible. Son chant, comparable à celui d’un rouge-gorge ou d’un roitelet, ne facilite pas sa détection. Durant ses deux années de prospections, Vincent Grognuz et son équipe ont identifié seize sites occupés par des gélinottes sur une trentaine de sites étudiés. Septante-cinq individus ont été recensés au cœur des Préalpes. Une information dont les amateurs d’ornithologie devront se contenter: «Je ne peux pas en dire plus quant à l’emplacement exact de ces territoires. Ce sont des oiseaux qui sont très sensibles au dérangement humain et qui, de plus, sont menacés.»

Futur employé du Parc régional naturel Gruyère Pays-d’Enhaut, Vincent Grognuz a aussi été mandaté par le canton de Fribourg pour établir un suivi à long terme de l’espèce: «Avec ma collègue, nous allons prospecter une quinzaine de sites chaque hiver avec deux objectifs: savoir si les habitats découverts sont occupés d’année en année, et tenter de découvrir des sites encore inconnus.» Il veut aussi présenter les résultats de sa thèse au canton, ainsi qu’à la Station ornithologique suisse dans l’espoir de faire bouger les choses: «Il est évident qu’il faut continuer à promouvoir l’habitat de l’espèce au niveau local tel que nous le faisons actuellement, mais il est aussi crucial pour l’avenir de l’espèce de réfléchir à plus large échelle et de s’intéresser à la connectivité au niveau du paysage.» Glenn Ray

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Dans la même rubrique