Logo

Veveyse

Les agriculteurs de la région se mobilisent face au manque d’eau

Les épisodes de sécheresse et de canicule, de plus en plus fréquents, impactent fortement le monde agricole, notamment en Veveyse, comme ici à la chèvrerie de Grattavache. PHOTOS RÉGINE GAPANY

La canicule touche tous les domaines. L’agriculture ne fait pas exception et ses acteurs sont fortement impactés par le manque d’eau. Afin de maintenir le cap, ils doivent s’adapter et se réinventer, à toute allure. A l’instar de Daniel Perroud, Fabien Demierre et Raoul Colliard.

La Confédération a étendu cette semaine l’alerte canicule niveau 3 au versant nord des Alpes et depuis lundi, plus aucune dérogation de pompage n’est accordée par le Conseil d’Etat fribourgeois dans les cours d’eau du bassin versant de la Broye. Le monde agricole est fortement touché par ces épisodes de fortes chaleurs et de sécheresse de plus en plus fréquents. Au mois de juin, le quotidien des domaines de la région avait déjà été mis à mal et les agriculteurs avaient dû beaucoup arroser. Face à cette nouvelle normalité aux conséquences désarmantes, tous cherchent des solutions pour s’adapter.

L’agriculteur Daniel Perroud, qui cultive des fruits et des légumes pour le self-service à Attalens depuis vingtcinq ans, n’a jamais vu ça. «C’est assez inquiétant, on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Une chose est sûre, la facture d’eau cet automne sera salée», partageait-il en début de semaine.

Pour Fabien Demierre, de la chèvrerie de Grattavache, «la situation est catastrophique». Normalement, les chèvres du Toggenbourg pâturent en cette saison. Aujourd ’hui, comme en hiver, ses quelque 160 bêtes mangent du fourrage à l’intérieur. «Nous avons déjà un tiers de réserve en moins.» Il a coupé à ras sa prairie pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être. La denrée devient rare et les prix montent. «En France et en Allemagne où nous nous fournissons d’habitude, les conditions sont similaires», déplore l’habitant de La Verrerie.

Adapter les techniques et les cultures

Si l’herbe ne manque pas dans les alpages, elle est plus sèche et la situation peut aussi devenir critique. Certains domaines ont dû faire appel à des hélicoptères pour l’approvisionnement en eau. Mais ce n’est pas le cas de Raoul Colliard, qui loue les pâturages de La Saletta et de La Joux Verte Dessus. Le Veveysan a besoin de 10000 litres d’eau par jour pour son bétail (plus de 110 têtes qui boivent en moyenne chacune 50 litres) et la buvette. «Il n’y a plus de rosée le matin avec des chaleurs pareilles», remarque l’armailli.

Si les sources ne sont pas vides, elles se trouvent à plus basse altitude que les chalets. Et actuellement, les béliers hydrauliques n’arrivent plus à suivre. «Pour monter un tiers d’eau de la source, il en faut deux tiers pour activer l’énergie cinétique», explique l’agriculteur. C’est pourquoi il pense installer une génératrice et une pompe électrique.

«Nous devons engager des frais pas possibles si on veut garder nos alpages, il faut agir vite!» L’investissement se monte à 25000 francs. Daniel Perroud a, quant à lui, affûté ses techniques d’arrosage il y a deux ans déjà. Une irrigation réfléchie participe en effet à la résilience de l’agriculture. Le Conseil d’Etat a décidé au début du mois d’augmenter les taux de subventions pour de nouveaux projets de 25% à 35%. L’amoureux des petits fruits d’Attalens n’arrose plus que les pommes de terre par aspersion et utilise un système de goutte à goutte pour le reste des cultures, «plus précis et plus économique». Pour les tomates par exemple, il est assisté par une sonde qui calcule l’humidité du sol.

Pour autant, durant des périodes d’extrêmes chaleurs, la famille Perroud ne fait plus que ça. «J’arrose le jour et la nuit, pour l ’instant, même s’il fait 35 degrés, nous arrivons à suivre, tant qu’il y a de l’eau…» Il se remémore et ne souhaite surtout pas revivre l’été 1976 lorsque les vaches criaient en fin de journée, quand la commune restreignait l’utilisation de l ’eau durant quelques heures.

L’Attalensois va se renseigner afin de savoir si une nappe phréatique ne se trouverait pas sous ses terres. «Dans ce cas-là, cela serait une solution d’investir dans un forage afin de devenir autonome.»

Une partie du bétail de son domaine reste à la ferme en été et à l’instar des chèvres de Fabien Demierre, ne broutent pas la nuit en extérieur, mais se nourrissent de fourrage à l’intérieur. Les autres montent aux Diablerets. «Là-bas les précipitations ont été plus abondantes», note Daniel Perroud.

Diminuer la taille de son troupeau

Le chevrier de La Verrerie va, lui, changer la variété de son fourrage. «A l’avenir, je vais plutôt planter de la luzerne», confie l’éleveur. Cette plante supporte bien le chaud et le sec. Déjà à la fin du mois de mai, en manque de pâture et en présence d’acheteurs, il a laissé partir quelques têtes. «Nous essayons de diminuer la taille du troupeau.»

Fabien Demierre élève ses chèvres avec son épouse depuis 2006. Il admet n’avoir jamais vu ça. «En tous cas pas si tôt.» Il devient de plus en plus difficile de produire le lait qu’il livre à Emmi. Ce dernier, afin de compenser les coûts de production, notamment pour le mazout et le fourrage, a augmenté de 10 centimes le prix du litre. «C’est déjà ça, mais ça ne compense pas le travail dantesque que nous fournissons actuellement.» Ne pouvant plus puiser dans l’eau des ruisseaux, il passe trois heures par jour à livrer dans des boilles de l’eau aux 52 chèvres, 4 vaches et 10 poneys et ânes qui vivent l’été sur un alpage à Semsales. «Il faut continuer à assurer le bien-être de nos bêtes.» Heureusement, les écuries de la ferme qu’exploitaient à l’époque ses grands-parents sont bien fraîches.

L’agriculteur de Grattavache remarque tout de même une baisse de la production du lait à cause des températures élevées et paradoxalement, un retard des saillies, le bétail ne se mettant pas en chaleur. Le parasitisme guette aussi les chèvres qui resteraient trop longtemps dehors dans un pré sans pâture. Aucun risque à ce niveau, les caprins n’y allant même pas durant les quelques heures que leur accorde l’éleveur. Sans herbe, aucun intérêt.

Cette herbe qui, justement, a durant de nombreuses années défini la vocation des fermes de la région, productrices de lait et de viande. La nouvelle donne climatique pourrait changer et pousser les agriculteurs à s’adapter. «Ça peut aller très vite, si ces épisodes de sécheresse se répètent», note Daniel Perroud en parlant de l’auto-approvisionnement de la Suisse, actuellement à plus de 50%.
Régine Gapany

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Dans la même rubrique