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Les étapes clés de la fabrication nécessitent l’œil du fromager

Rénovée en 2015, la fromagerie de Semsales dispose d’un outillage de dernière génération. Certains gestes ont pu être automatisés, mais les principales étapes dépendront toujours du savoir-faire des fromagers, gage du côté artisanal imposé par le cahier des charges de l’AOP. PHOTOS JEAN-BAPTISTE MOREL / LA GRUYÈRE

SEMSALES FROMAGERIE

Le Gruyère AOP f�te les 20 ans de son appellation. L’occasion de replonger dans la cuve et d’assister à la naissance d’une meule. Reportage à la fromagerie de Semsales.

Des volutes de vapeur envahissent le local. D’un coup d’œil, le fromager contr�le que les moules se remplissent tous correctement. Il fr�le l’écran tactile. Aussit�t, deux rideaux s’abaissent, laissant la presse poursuivre son travail à l ’abri des regards. Il ne faudra que quelques minutes pour que les neuf meules de Gruyère AOP prennent forme. Modernisée en 2015, la fromagerie de Semsales en produit 6000 par année. Reportage dans les pas de Loïc Piller, maître fromager de 29 ans.

«Notre travail commence chaque matin à 5 h, détaille Loïc Piller. On commence par sortir de la presse les fromages de la veille.» Dans les deux grandes cuves de la fromagerie, le lait du soir précédent attend, à une température maximale de 18°C. Dès 6 h, les agriculteurs viennent livrer leur lait. Devant la fromagerie, un écran tactile leur permet de s’identifier. Leur lait est ensuite pompé et pesé. Des échantillons sont prélevés et conservés six mois.

Une fois centrifugé, le lait du matin rejoint celui du soir dans les cuves de cuivre. Le processus peut commencer. Première étape: faire remonter la température entre 30°C et 31°C, avant d’ajouter le petit-lait prélevé à la fin de la fabrication précédente. «Ce petit-lait a été conservé dans deux pots, l’un à 32°C, l’autre à 38°C. Ce sont les bactéries lactiques qui vont initier le processus.»

Le cahier des charges de l’AOP précise qu’au moins 50% de ces bactéries doivent �tre des ferments propres à la fromagerie. «Cela évite que les bactéries proviennent essentiellement des laboratoires, mais cela permet d’aller chercher du petit-lait d’une autre fromagerie dans le cas où nos bactéries ne seraient pas très en forme.»

Comme des grains de blé

Après une vingtaine de minutes, la présure est ajoutée. C’est elle qui va faire coaguler ou, selon le jargon, cailler le lait. «Cette étape prend environ quarantecinq minutes, note Loïc Piller. Mais on ne peut pas utiliser un minuteur. Le temps de repos va dépendre des teneurs du lait, de l’affouragement des vaches, de la température extérieure… C’est l’œil du fromager qui décide à quel moment commence le décaillage.»

Au feu vert, les tranchecaillé sont installés dans la cuve. Ils vont tourner à la façon d’un robot ménager géant. «Cette étape dure sept à huit minutes, mais c’est la plus importante.» Une sorte de pelle bleu ciel dans la main, le fromager participe au brassage. De temps à autre, il prélève quelques décilitres, laisse échapper le liquide et observe les grains. «Ils doivent �tre bien réguliers et avoir la taille d’un grain de blé.» L’œil du fromager veille. «Gr�ce à ces quelques décisions prises en fonction de notre expérience, le Gruyère n’est pas un produit standardisé.»

Travail en famille

Les tranche-caillé sont remplacés par des mélangeurs. «Pendant environ quarante-cinq minutes, la température de la cuve va augmenter par paliers jusqu’à 57 °C.» L’odeur douce�tre du lait chaud devient encore plus prégnante. «Les grains sont chauffés, mais le lait ne l’a pas été, souligne le fromager. C’est pour ça qu’on parle d’un fromage au lait cru.»

Cette étape est automatisée gr�ce à des capteurs. Sur l’écran, on lit la hausse de la température. Dans la deuxième cuve, la présure est en train de faire son effet. Il est temps d’aller boire le café.

A Semsales, les Piller travaillent en famille. Loïc, le fils, est responsable de la fabrication. Son papa, Emmanuel, dit Manu, gère le commerce et les livraisons. A la t�te de l’entreprise depuis 1994, il fait partie des membres fondateurs de l’Interprofession du Gruyère. «J’ai rejoint mes parents en 2015, quand la fromagerie a été rénovée. Les machines étaient nouvelles. J’ai pu prendre mes marques.» Six employés, dont deux apprentis et les patrons, se consacrent à la transformation des 2,6 millions de kilos de lait livrés à la fromagerie par 16 producteurs. Quelque 85% de ce lait devient du Gruyère AOP.

Un produit vivant

Il est temps de revenir près des cuves. Une alarme signale la fin de l’étape. «On va maintenir la température de 57°C et brasser encore une vingtaine de minutes pour essuyer les grains.» Le fromager reprend sa petite pelle bleu ciel. Son savoir-faire est requis pour décider du moment où les grains ont la bonne consistance. Il les agglutine, teste leur cohésion. «D’un bout à l’autre de la fabrication, on a affaire à un produit vivant. C’est ce qui complique la t�che, mais aussi ce qui la rend intéressante.» Au moment M, il effleure l’écran tactile.

Le contenu de la cuve est aspiré par le fond. Un circuit de tuyau l’amène vers les moules préparés à la première heure. Les rideaux se baissent. «Sinon on ne se voit plus tellement il y a de vapeur.» Après une dizaine de minutes, le fromager les remonte. Le petit-lait finit de s’échapper des moules. Il poursuivra son chemin vers la porcherie située à proximité.

Avant de fermer le moule, le fromager insère les numéros de fabrication. Ceux-ci attestent de la véracité des fromages et permettront leur traçage. Un couvercle blanc et une croix d’acier enserrent la masse blanch�tre du caillé. Le travail de la presse peut commencer.
Sophie Roulin / La Gruyère

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