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Veveyse

Louis Jaquet, dernier peseur de lait du canton

Dernier peseur de lait du canton de Fribourg, Louis Jaquet occupe cette fonction depuis cinquante ans au sein de la laiterie de Progens. A. VULLIOUD/LA GRUYÈRE

LAITERIE PROGENS

A 77 ans, le Gruérien Louis Jaquet est le dernier peseur de lait du canton de Fribourg. Travaillant depuis 1971 au sein de la Société coopérative de laiterie de Progens, il a été le témoin des nombreuses évolutions de l’industrie laitière en cinquante ans de métier.

Voilà cinquante ans que Louis Jaquet occupe la fonction de peseur de lait au sein de la Société coopérative de laiterie de Progens. Méconnue, cette profession implique le pesage du lait apporté par les producteurs de la région et son stockage jusqu’au passage des acheteurs. Le Gruérien de 77 ans ne se fait pas d’illusion quant à l’avenir d’un métier voué à disparaître: «Je suis apparemment le dernier peseur du canton de Fribourg et il ne doit pas en rester beaucoup dans le canton de Vaud non plus…»

A l’origine, ces locaux de stockage étaient de petites fromageries qui ont disparu au fil du temps. Fondé en 1879, le site veveysan ne déroge pas à la règle. «La Société de fromagerie de Progens a acheté le terrain et le b�timent pour la somme de 19 francs, retrace Louis Jaquet. A cette époque, il y avait un fromager qui travaillait et habitait sur place et une vingtaine d ’agriculteurs y livraient du lait.» Il poursuit, dans un sourire: «Je ne sais pas à quelle date ils ont abandonné la fabrication du fromage, mais l’espace dédié n’était que de six mètres sur dix, c’était un peu serré!»

Jusqu’à 1,3 million de francs de lait stocké

Avant que la plupart des producteurs ne s’équipent de leurs propres moyens de stockage, plusieurs agriculteurs de la région profitaient de l’espace de Progens mis à leur disposition contre rémunération. Louis Jaquet se souvient ainsi avoir stocké du lait pour un montant total de 1,3 million de francs pour la seule année 1992. Un pic rendu possible par un prix du lait qui tournait alors autour de 1 fr. 07 par litre, bien loin des chiffres actuels qui plafonnent entre 50 et 60 centimes.

Lorsque Louis Jaquet a été engagé, en 1971, une douzaine de producteurs apportaient alors leurs boilles à lait à Progens. «Ces boilles étaient transvasées dans la seille, pour le pesage, puis mises dans un bassin afin de refroidir le lait. C’était un travail quotidien, matin et soir.» A ses débuts, le pesage était effectué à l ’aide d ’une seille suspendue à un poids de 60 litres, vite remplacé par un poids de 200 litres. Tous les deux jours, un camion se chargeait ensuite de transférer ces stocks aux acheteurs.

De nouvelles manières de stocker le lait

En cinquante ans de métier, Louis Jaquet a été le témoin des différentes évolutions de l’industrie laitière. En 1973 déjà, les boilles à lait de 40 litres, pénibles à déplacer, ont été remplacées par un tank de 7000 litres. Quatre ans plus tard, la Confédération imposait le contingentement laitier afin de réduire la production nationale de lait, de beurre et de fromage. Un système qui a mis à mal tout le secteur de la production laitière et dont l ’abandon par étape, dès 1992, n’a rien arrangé.

A l’heure actuelle, seuls deux producteurs viennent encore stocker leur lait à Progens. Une tend ance qui ne concerne pas uniquement la laiterie veveysanne, comme l’explique celui qui en est aussi le secrétaire caissier: «Comme les producteurs stockent leur lait directement chez eux, la plupart des locaux de coulage de la région ont disparu.» Louis Jaquet est peu optimiste sur l’avenir de la laiterie de Progens: «Notre société sera probablement dissoute lorsque je prendrai ma retraite.» Avant de conclure en riant: «J’ai 77 ans, je ne vais pas continuer pendant vingt ans!»
Glenn Ray


Les anecdotes de Louis Jaquet

De ces échanges quotidiens avec les producteurs de lait veveysans, Louis Jaquet garde quelques souvenirs marquants. «Les agriculteurs les plus proches de la laiterie faisaient le trajet à pied, en tirant leurs boilles sur une charrette, se rappelle-t-il. Certains sont longtemps venus à cheval, et un paysan prenait m�me le vélo en accrochant sa boille de lait dans le dos.» Avec le temps et les progrès technologiques, la plupart des agriculteurs ont fini par troquer ces moyens de transport par le tracteur. Quant au paiement, le peseur de lait commandait la somme totale au facteur avant de la distribuer dans des enveloppes à chaque producteur. Ce mode de fonctionnement a donné lieu à certaines frayeurs pour les réceptionnaires du paiement. «Une enveloppe perdue avait été retrouvée par un paysan dont l’une des vaches avait marché dessus», se remémore Louis Jaquet. «J’ai laissé mariner le producteur concerné quelques jours, avant de lui rendre son enveloppe!» ajoute-t-il en rigolant. Une autre de ces précieuses enveloppes, égarée un jour de neige, a quant à elle pu �tre récupérée malgré le passage du chasse-neige. GR

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